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REVUE. — CHRONIQUE.

d’examiner la grande question semi-constitutionnelle des relations des pouvoirs publics et des conditions de la responsabilité ministérielle. Que se passe-t-il dans cette commission et ces sous-commissions qui se sont réunies plus d’une fois déjà, qui ont eu des conférences avec M. le président de la république ? Peu importe pour le moment. L’essentiel est qu’il y ait un terrain commun sur lequel on se retrouve, et ce terrain existe. À l’origine, la droite, représentée par la commission Kerdrel, puis par la commission des trente, demandait simplement et exclusivement la responsabilité ministérielle, dont elle se faisait une arme de guerre. Le gouvernement de son côté demandait qu’on ne séparât pas la responsabilité ministérielle de l’organisatioa et de la régularisation des pouvoirs publics. Aujourd’hui, du consentement de tout le monde, ces questions sont inséparables : voilà le point de rapprochement. Il est bien clair cependant que tout n’est pas fini, et que, si l’on veut aller heureusement jusqu’au bout, la première condition est d’écarter d’une volonté résolue les susceptibilités, les irritations, les défiances de l’esprit de parti, de ne pas s’attarder dans ces polémiques vaines ou irritantes par lesquelles on poursuit avant tout quelquefois un triomphe exclusif, en quelque sorte personnel.

L’esprit de parti est véritablement ingénieux. Depuis quinze jours, il n’est occupé qu’à scruter les dernières péripéties pour en faire sortir des divisions nouvelles. Il ne cherche pas, quant à lui, ce qui peut rapprocher, il est à la poursuite de ce qui peut entretenir la guerre. Ses thèmes sont tout trouvés. Il s’agit de savoir si le discours de M. Dufaure a désavoué le message de M. Thiers ou si M. le président de la république a désavoué à son tour M. le garde des sceaux dans le langage qu’il a tenu devant la commission des trente, si le vote du H décembre est le démenti du vote du 29 novembre, et si tous ces derniers incidens ne sont pas une victoire de la droite sur le gouvernement. On pourra discuter à perte de vue sur tout cela, on ne fera pas une politique bien profitable, on n’arrivera qu’à multiplier les confusions. Non, sans doute, il n’y a rien de tout ce qu’on voit. M. Dufaure, quand il s’est prononcé avec une si verte éloquence sur la dissolution, n’a nullement désavoué le message de M. Thiers, et M. Thiers, en parlant comme il l’a fait des projets constitutionnels devant la commission des trente, n’a nullement désavoué M. Dufaure. Le vote du H décembre n’a point été une victoire de la droite sur le gouvernement, qui s’y est associé, qui l’a provoqué, qui lui a donné toute sa signification, et le vote du 29 novembre n’était pas lui-même une victoire de la gauche, puisqu’il n’a été certainement déterminé que par l’attitude du gouvernement. La vérité est que la situation reste la même, telle que M. le président de la république la définissait dans son message, et M. Thiers n’a eu rien à rétracter de ce message, parce que dans ses paroles il n’y avait rien