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REVUE. — CHRONIQUE.

trouve des chances, parce qu’elle est manifestement le vœu le plus profond du pays, parce qu’elle est une véritable nécessité publique qui s’impose à toutes les volontés, parce qu’enfin les partis viennent d’éprouver une fois de plus qu’ils sont impuissans lorsqu’ils veulent changer à leur profit une situation qui les domine, qui se résume tout entière dans la coexistence de l’assemblée et du gouvernement. La droite a voulu ouvrir une campagne contre le gouvernement, elle a essayé de lui imposer, sous la forme d’une responsabilité ministérielle qui n’était qu’une combinaison de guerre, une direction exclusive de parti ; elle a échoué. Elle a créé des difficultés, une confusion momentanée, une interversion de tous les rapports naturels des opinions ; elle n’a réussi en définitive qu’à rendre plus apparente la nécessité de ce gouvernement qu’on ne pouvait remplacer que par l’inconnu, par des pouvoirs contestés, par une crise en permanence. La gauche à son tour a voulu faire sa campagne contre l’assemblée : elle a échoué d’une manière plus éclatante encore, et, par une compensation favorable dans ce jeu étrange des partis, il s’est trouvé que l’impatience agitatrice de la gauche est venue fort à propos rétablir un certain équilibre, réparer les fausses manœuvres de la droite, en offrant aux fractions conservatrices de l’assemblée et au gouvernement une occasion de se rapprocher pour écarter résolument une question périlleuse. C’est M. le garde des sceaux, c’est M. Dufaure qui, dans un discours d’une éloquence sensée et vigoureuse, a tranché le nœud en redressant, en éclairant et en précisant cette situation, en replaçant le gouvernement dans ses conditions naturelles d’impartialité conciliante et protectrice.

Si jamais faute politique a été promptement et sévèrement punie, c’est à coup sûr celle que la gauche a commise en soulevant avec la précipitation la plus imprudente cette question de la dissolution de l’assemblée. Elle avait suivi jusque-là une conduite qui n’était pas dépourvue d’une certaine habileté et d’une certaine adresse. Elle avait su se contenir, se donner l’avantage d’une alliance de raison et de modération avec le gouvernement, accepter la république, telle que la définissait M.Thiers, avec toutes les garanties de conservation et de protection pour les intérêts sociaux de la France. Elle avait été un jour, le 29 novembre, un des élémens d’une majorité qui avait été le bouclier du gouvernement dans un conflit déplorablement engagé. Elle n’a pas su résister à la tentation décevante d’une occasion qu’elle croyait favorable, et qui ne l’était pas. Là, comme partout, les plus modérés se sont laissé entraîner par les plus violons. La gauche en un mot a voulu jouer le tout pour le tout : en croyant mettre l’assemblée dans l’embarras, elle a perdu la partie ; mais aussi quelle étrange pensée d’engager une lutte sur un terrain semblable, dans un pareil moment ! La faute de la gauche n’était pas seulement de ne tenir aucun compte de la situation générale et