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poursuivre en commun, et, si on s’en était tenu à ces travaux aussi profitables que sérieux, il y avait certes de quoi enflammer les zèles les plus patriotiques et occuper les activités les plus impatientes. C’était ce qui répondait aux nécessités de toute une situation, aux dispositions publiques. Malheureusement, par une de ces fatalités étranges et invariables de la vie des peuples, les passions politiques, un moment réduites au silence par l’excès des misères nationales, ces passions n’ont pas tardé à se réveiller plus vivaces et plus implacables que jamais. Les partis, qui avaient paru d’abord s’incliner devant le malheur de la France, ont bientôt cédé à la tentation, ils sont revenus au combat avec leurs antagonismes irréconciliables, avec leurs armes, leurs mots d’ordre et leurs drapeaux. L’apaisement même qui se faisait sentir dans le pays n’a servi qu’à irriter les espérances des impatiens de tous les camps, pressés de faire triompher leur cause. Les questions les plus graves de réorganisation publique n’ont été qu’un prétexte de conflits où les ressentimens, les ambitions, les antipathies personnelles, les amours-propres ont fait oublier les intérêts les plus essentiels. Légitimistes, monarchistes du centre droit, radicaux, impérialistes, républicains de la gauche ou du centre gauche, tout s’en est mêlé, et une fois de plus la France a offert le spectacle d’une société où la masse nationale laissée à elle-même ne demande qu’à vivre paisible, où ceux qui sont chargés de la représenter et de la conduire, qui devraient donner l’exemple de la prévoyance et de la modération, sont les premiers à se laisser emporter, à déchaîner les tempêtes, à provoquer des crises périlleuses ou inutiles. C’est en réalité l’histoire de cette dernière et courte session de six semaines. Elle a été une sorte d’orage permanent, une mêlée confuse de passions et de partis se jetant à la fois sur toutes les questions irritantes et insolubles, lorsque des vacances nouvelles de quelques jours sont venues heureusement interrompre cette œuvre d’agitation en laissant à la réflexion, aux inspirations patriotiques, à toutes les influences de conciliation, le temps de reprendre leur empire.

On en est là aujourd’hui. L’année qui finit laisse à l’année qui commence ce difficile héritage. Est-ce la guerre des partis qui se rallumera à la rentrée prochaine de l’assemblée ? est-ce la paix intérieure qui sortira définitivement de ces complications imprudemment soulevées ? Assurément les questions qui ont suscité ces conflits ou qui en ont été le prétexte ne sont point réglées ; les partis n’ont point désarmé, ils restent au contraire dans cette sorte d’attente fiévreuse où il suffit quelquefois d’une circonstance imprévue pour ranimer toutes les passions de combat, où les plus violens, se jetant en avant, sans écouter les esprits modérés et réfléchis, peuvent engager les luttes les plus dangereuses. Il y a cependant un fait sensible et favorable qui apparaît au premier coup d’œil : c’est que de jour en jour, d’heure en heure, la paix re-