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REVUE. — CHRONIQUE.

mot cette année qui s’achève, qui va se perdre dans le tourbillon des choses évanouies, a préparé l’année qui commence.

Non certainement, cette année qui finit n’a point été perdue. N’eût-elle d’autre recommandation dans l’histoire que d’avoir donné à la France le temps de respirer, de se reposer et de se reconnaître après la guerre étrangère et la guerre civile, au lendemain de ce double accès de fièvre pernicieuse qui pouvait être mortel, elle serait encore bienfaisante, elle mériterait le renom modeste d’une année utilement employée. Ce malheureux pays si dévasté, si broyé, si menacé dans sa puissance et jusque dans son existence, il s’est retrouvé très promptement debout, ne demandant qu’à vivre, aimant la paix qu’on lui faisait, acceptant sans murmurer les sacrifices nécessaires, et tout prêt à payer d’une popularité honnête les efforts tentés pour lui rendre la sécurité et le travail. En vérité, le pays, c’est le héros collectif et obscur de cette période d’épreuves où nous sommes engagés. On le fait bien souvent parler, on lui prête des exigences, des prétentions ou des passions qu’on voudrait sans doute lui inspirer, et dont on compterait peut-être se servir. Le fait est que, fixé à peu près sur ce qu’il ne veut pas, également éloigné de tous les partis extrêmes, il se montre volontiers facile et résigné sur tout le reste, attendant ce qu’on fera de lui, et jusque-là se soumettant sans peine et sans effort à un gouvernement qu’il sait bien intentionné, qui lui inspire de la confiance. Aux yeux de la nation française, c’est le gouvernement de la convalescence et du repos après les crises violentes. Le secret de la popularité de M. Thiers est là tout entier. Depuis un an, c’est vraiment l’histoire de la France, de la France qui travaille obscurément, qui reprend tous les jours la tâche à peine interrompue, sans s’intéresser bien vivement aux diversions dont on lui offre parfois le dangereux et inutile spectacle. Oui, depuis un an, le pays a donné sa patience et son calme. Que lui a-t-on donné en échange ? qu’a-t-on fait pour cette réorganisation nationale, qui reste toujours le premier mot de tous les programmes politiques ? Assurément on n’est point resté inactif ou indifférent devant tant de nécessités impérieuses. Il y a eu quelques grands actes, et le premier de tous a été cet emprunt de trois milliards, véritable victoire du crédit de la France, qui assure désormais tous les moyens d’obtenir, de hâter sans doute la libération du territoire. On a fait aussi cette loi de recrutement qui prépare la reconstitution militaire de la France, qui va justement entrer en vigueur avec l’année nouvelle. On est allé au plus pressé, à l’emprunt, à la loi de recrutement, aux lois de finances, aux impôts devenus nécessaires, à tout ce qui assure l’expédition des affaires dans un grand pays où la vie nationale ne peut rester interrompue.

C’est là ce qu’on pourrait appeler le côté utile et fructueux dans l’œuvre que l’assemblée et le gouvernement poursuivent ou doivent