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turs se solder encore avec un découvert plus ou moins considérable, comme dans la présente année 1872. Dans les temps ordinaires, un découvert de 150 à 200 millions serait facile à combler; dans les circonstances actuelles, ce serait un véritable désastre, car on ne pourrait y porter remède qu’en suspendant l’amortissement. Que faut-il faire pour le prévenir?

Ici les difficultés surgissent de toutes parts, et le problème est trop complexe pour que nous l’abordions dans son ensemble, et surtout pour que nous ayons la prétention de le résoudre; mais, en attendant que l’application des nouveaux impôts ait permis d’en vérifier les avantages et les inconvéniens et d’y introduire, en se fondant sur l’expérience à laquelle rien ne supplée, les améliorations qui peuvent les rendre tout à la fois moins onéreux aux contribuables et plus productifs pour le trésor, nous voulons chercher si par hasard on n’aurait point laissé perdre en partie, par des dégrèvemens que rien ne justifiait, l’une de nos plus importantes ressources financières, l’une de celles qui peuvent donner les produits les plus certains, les plus réguliers, sans entraîner aucuns frais supplémentaires de recouvrement, rapporter beaucoup sans surcharger les populations, et diminuer dans une large mesure les chances du découvert que peuvent laisser après elles nos contributions indirectes. Cette ressource, c’est l’impôt du sel.

On s’étonnera peut-être que dans un temps de démocratie, où l’amélioration du bien-être matériel des classes laborieuses est considérée comme l’un des premiers devoirs des économistes et des gouvernemens, nous venions, au nom de l’équilibre du budget, prendre la défense d’une taxe souvent condamnée comme désastreuse pour les consommateurs peu aisés, comme essentiellement préjudiciable à l’agriculture, à l’alimentation publique, à l’industrie, à la pêche côtière, à la grande pêche, aux intérêts de notre marine marchande. Pour nous, la question se résume en quelques mots : l’impôt du sel justifie-t-il les accusations dont il est l’objet? Faut-il chercher la cause de son impopularité dans la taxe en elle-même, telle qu’elle est établie depuis le commencement du siècle, ou dans des souvenirs qui remontent à l’époque où, sous le nom de gabelles, il formait le dixième environ des revenus de la monarchie? La réprobation dont quelques hommes politiques l’ont frappé a-t-elle toujours eu pour seul mobile l’intérêt des consommateurs? Peut-on enfin lui demander plus qu’il ne donne sans jeter dans la vie économique du pays une nouvelle et regrettable perturbation? Telles sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre, en montrant d’abord ce qu’était cet impôt sous l’ancien régime.