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forte proportion le chiffre des recettes, car l’impôt se détruit lui-même par sa propre exagération, soit en provoquant une contrebande active, soit en ralentissant la consommation, soit enfin en nécessitant des frais de perception qui absorbent une partie de ses produits. Ce sont là des vérités élémentaires; les faits qui se passent sous nos yeux, la discussion du budget de 1873, les rapports des commissions de l’assemblée nationale, ne les confirment que trop, et les preuves à l’appui sont malheureusement trop nombreuses.

Ainsi les postes, qui figuraient au budget des recettes de 1872 pour 117,628,000 francs, ne sont portées au budget de 1873 que pour 114,128,000 francs, et pour les neuf premiers mois de l’exercice courant elles accusent un déficit de plus de 9 millions, ce qui tient exclusivement à la surtaxe territoriale et locale des 5 centimes. L’impôt sur le sucre, qui donnait 40 millions, n’en donnera plus que 30, bien qu’il ait été augmenté de 50 pour 100, parce que la fraude s’est organisée sur la plus grande échelle, et qu’elle est favorisée par un mode vicieux de perception; il en est de même pour le tabac, de même pour les poudres. L’impôt sur les chevaux et les voitures porte un coup fatal à notre industrie chevaline, déjà si peu prospère, et qui ne réalise aujourd’hui quelques bénéfices qu’en vendant, par l’intermédiaire d’agens anglais, ses chevaux de trait à l’intendance prussienne pour la remonte de l’artillerie de l’empereur Guillaume. L’impôt si vivement discuté sur les matières premières semble également devoir donner lieu à de graves mécomptes, et ce qui résulte en définitive de l’application du nouveau système, c’est que les recettes de 1872 resteront de 160 à 200 millions audessous des prévisions budgétaires.

Il y a là un fait inquiétant pour l’avenir, car l’évaluation anticipée des recettes n’est et ne peut être exacte que pour les contributions directes, dont le rendement est connu d’avance et le recouvrement assuré, sauf quelques non-valeurs relativement peu importantes; pour tout le reste, douanes, tabacs, boissons, voitures, matières premières, timbre, etc., les fixations laissent toujours un aléa considérable, en raison de l’influence que peuvent exercer sur la consommation, la circulation et les transactions commerciales, la politique intérieure, les agissemens des partis, les crises agricoles ou industrielles, les conditions climatériques, les relations internationales. Or les contributions indirectes forment le plus gros chapitre de notre budget, et, comme les dépenses sont fixées, non pas sur les recettes effectives, dont le chiffre ne peut être exactement déterminé à l’avance, mais sur les recettes présumées, c’est-à-dire sur de simples probabilités, nous sommes exposés à voir nos exercices fu-