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exemple l’énorme rocher artificiel qui supporte la statue de Pierre le Grand.

Les richesses minérales ne manquent pas en Russie; on peut dire plutôt qu’elles sont négligées. On dit avec beaucoup de raison que la houille est le pain de l’industrie; or les terrains houillers qui s’étendent sur de grandes surfaces ne sont exploités avec succès que dans le bassin du Donetz, affluent du Don, au centre d’une province presque déserte, loin des chemins de fer et des voies navigables. Autour de Moscou règne une immense région carbonifère, qui n’a donné jusqu’à présent que des produits de mauvaise qualité, sans doute parce qu’on s’est contenté d’explorations insuffisantes. La houille que l’on consomme dans l’empire vient donc du dehors. La Silésie en fournit à la Pologne; les navires anglais qui vont charger à Saint-Pétersbourg des matières encombrantes, telles que des céréales, des suifs, des peaux, prennent à l’aller une cargaison de charbon de terre dont le prix de revient se trouve, par cette circonstance, ne pas être trop élevé. A défaut de houille, on brûle des quantités considérables de tourbe, que fournissent les vallées marécageuses. Cette fois encore, la nomenclature géographique révèle la nature des productions locales. Le nom de Tchernaïa, que portent beaucoup de petites rivières, veut dire noire, et dénote un fonds tourbeux.

La métallurgie est plus avancée sous certains rapports. Dans la région de l’Oural, féconde en minerais de toute sorte, on trouve du fer, du cuivre, du plomb, du platine, de l’argent et de l’or. Le minerai de fer en particulier s’y présente en couches inépuisables de la meilleure qualité, et si près du sol qu’on l’extrait à ciel ouvert ou par des puits de 20 mètres au plus de profondeur. L’histoire de cette industrie métallurgique ne remonte pas loin. A peine existait-il quelques petites usines à la fin du XVIIe siècle, quand Pierre le Grand, visitant la fabrique d’armes de Toula, distingua un forgeron que l’on appelait Nikita Demidof. Il voulait en faire un soldat; mais, séduit par l’intelligence et l’adresse de cet habile ouvrier, il lui donna mission d’explorer les montagnes de l’Oural, où l’existence de richesses métalliques était déjà soupçonnée. Le gouvernement du tsar avait établi près d’Ekaterinbourg l’usine de Neviansk, qui donnait de médiocres résultats. Nikita offrit de l’acheter, promettant d’en payer le prix en cinq années, et il obtint en outre la permission d’exploiter toutes les mines qu’il découvrirait sur la rivière Taguil, avec le droit de couper les bois nécessaires à cette industrie dans les forêts des environs. C’était en réalité une entreprise bien difficile à conduire. Le pays ne produisait rien, l’Oural était alors si loin des provinces civilisées que les transports étaient impossibles, il fallait fabriquer sur place les outils et les machines. Le