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échelonnées par quinzaine, et de limiter à quatre unités de rente 3 pour 100 le droit des déposans de faire acheter par le trésor, sans frais, des rentes sur leurs fonds de dépôts. Cela posé, l’état n’aura plus tant à s’inquiéter de l’accroissement de l’épargne confiée à ses soins, et il pourra, à l’exemple de l’Angleterre, faciliter par tous les moyens possibles les versemens des ouvriers économes, c’est-à-dire favoriser puissamment en France la reconstitution du capital par l’épargne, et par cette épargne des ouvriers, qui n’enrichit pas seulement la nation, mais qui la moralise. L’état pourra ainsi mettre au service des caisses d’épargne, comme succursales, les perceptions des finances et les recettes des postes, sous des conditions de rémunération à déterminer. Les bureaux des caisses d’épargne, dans les grandes villes et les centres industriels, seront ouverts le samedi soir. La limitation des dépôts à 300 fr. par versement sera élevée à 1,000 fr. La limitation du livret, aujourd’hui fixée à 1,000 fr., sera portée à 2,000 fr., et même à 3,000 avec l’accumulation des intérêts, comme cela était établi par la première loi organique des caisses d’épargne, par la loi du 5 juin 1835. Une commission générale des caisses d’épargne de France, analogue à la commission supérieure des sociétés de secours mutuels, sera instituée auprès du ministère du commerce. Cette commission comprendra 5 députés, dont 3 au moins devront être conseillers-généraux de département hors Paris, 2 régens de la Banque de France, 1 membre de la chambre de commerce et 1 membre du tribunal de commerce de Paris, 1 membres du conseil des prud’hommes de Paris, 2 membres du conseil des directeurs de la caisse d’épargne de Paris, et 2 membres de l’Institut, ces quinze commissaires désignés chaque année par leurs corps respectifs, et quatre autres personnes nommées chaque année, deux par le ministre du commerce et deux par le ministre des finances.

Par ces mesures, prises de l’expérience de l’Angleterre et de notre propre expérience dans la dernière crise, nous obtiendrons que le nombre de nos déposans, 2,130,768 avant la guerre, et que le chiffre des sommes déposées, 720 millions de francs, se retrouvent bientôt, non-seulement pour réparer les pertes de ces deux terribles années, mais pour nous mettre en voie d’élever l’énergie d’épargne des ouvriers français au niveau de la puissance d’épargne des ouvriers économes anglais. Rappelons-nous bien que ces ouvriers économes anglais se comptent aujourd’hui, en 1872, par plus de 2 millions 1/2 de déposans, et qu’ils possèdent dans les savings-banks 56 millions de livres sterling, 1 milliard 400 millions de francs, par cela surtout qu’ils ont au service de leur vertu économique 4,523 bureaux d’épargne, dotés de facultés légales très étendues, tandis que nous ne possédons encore en France que 525 établissemens et 648 succursales, en tout, 1,373 bureaux d’épargne, et avec une loi organique des plus étroites.


A. DE MALARCE