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en temps de crise politique avait été agitée dans ces entretiens, — « question qui n’a pas grand intérêt en Angleterre, me disait-on avec un certain sentiment d’amour-propre national, car nous vivons dans un état régulier et stable ; mais dans votre France volcanique, où tous les quinze ou vingt ans vous avez votre tremblement de terre périodique, il y a des précautions à prendre, des mesures à combiner d’avance et de sang-froid, des dispositions légales à établir dans votre loi organique des caisses d’épargne, dans le contrat entre l’état et les déposans, en vue de toute éventualité. Ces précautions sont d’autant plus utiles à inscrire formellement dans vos lois, que vos révolutions élèvent souvent au pouvoir des ministres peu préparés aux affaires, faciles à toutes les violences par raison de salut public. Faites donc qu’ils trouvent dans vos lois et un lien qui les retienne et un moyen de salut qui leur ôte l’occasion ou le prétexte de mesures illégales. » Ces paroles m’étaient dites à Londres au mois de mai 1870.

Lorsqu’en septembre 1870 le trésor français se trouva, sans préparation, en face des demandes des déposans des caisses d’épargne, je soumis à quelques membres du gouvernement de la défense nationale la solution que voici. En temps de crise politique, deux motifs poussent les déposans à redemander leurs fonds aux caisses d’épargne : la peur et le besoin. Pour calmer la panique, l’état doit d’abord déclarer que le seul sacrifice qu’il demande à ses déposans ne sera qu’un délai un peu plus étendu pour le remboursement des dépôts, et, à l’appui de cette déclaration, il doit en même temps publier des résolutions dominées par ce principe, qu’en aucun cas l’état ne cherchera à se libérer en offrant des titres fiduciaires dont la réalisation immédiate causerait aux preneurs une perte. L’état fera connaître alors ses résolutions, inspirées par sa sollicitude pour les déposans qui viennent réclamer leurs fonds uniquement pour subvenir aux besoins courans de la famille. L’état ne saurait donc offrir à ses déposans ni bons du trésor, bientôt peut-être dépréciés, ni rentes au pair sur un cours amoindri ; il ne doit même livrer des rentes au cours que comme accessoire et avec prudence, car ces rentes, aussitôt vendues en masse par les déposans besoigneux, détermineraient un avilissement du crédit de l’état, très dangereux dans les crises politiques. Il faudrait formuler ainsi le décret exigé par la situation : pendant la durée de la guerre et les trois mois qui suivront la conclusion de la paix, les fonds qui seront redemandés aux caisses d’épargne seront remboursés par à-comptes, par quinzaine, et d’après les règles suivantes. Sur chaque livret réclamant, portant plus de 50 fr., il sera remboursé 50 francs (en espèces ou valeurs ayant cours légal) par quinzaine. Les déposans qui demanderaient le remboursement d’un livret portant moins de 50 fr. seront remboursés intégralement. Outre ce remboursement en espèces de 50 francs par quinzaine, le déposant réclamant pourra se faire délivrer sans frais par l’état quatre unités de