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sol nu ; cette méthode nous vaut toujours une transition très pénible et qui détermine un déplorable bouleversement de nos mœurs, tout en nous exposant aux hasards du succès ou de l’insuccès de la chose nouvelle. En Angleterre, on fait plus sagement : on conserve les vieux troncs, on se contente de greffer quelques rameaux pour les rajeunir, et c’est ainsi que des racines primitives, qui plongent dans le tréfonds du sol national, on fait monter la sève dans des rameaux vaillans de la plus jeune vigueur.

Ce fut de cette manière que procéda le parlement en 1861 pour les savings-banks. Il respecta les caisses d’épargne privées ; mais à côté de ces établissemens il fonda une caisse d’épargne modèle, une caisse d’épargne officielle, dont l’administration fut confiée au directeur-général des postes, et le service aux agens des postes. On nomma ce service public post-office savings-banks. Qu’est-il arrivé depuis onze ans, depuis la création de la caisse d’épargne postale ? Dans les villes et les bourgs où les ouvriers ne trouvèrent pas à leur portée des caisses d’épargne privées, ils ont été provoqués à l’épargne par les facilités que leur offraient les bureaux de poste. Dans les localités où les caisses d’épargne privées n’inspiraient pas une grande confiance, les post-office savings-banks les ont remplacées. Ainsi, depuis 1861, 155 caisses privées ont cessé leurs opérations et transféré leurs fonds, 47 millions de francs, à la caisse postale. Enfin partout ailleurs, dans toute l’étendue du royaume, les bonnes caisses d’épargne privées ont rivalisé avec la caisse postale pour mériter la confiance, et cette émulation a profité à la moralité publique non moins qu’à la vertu d’économie des classes ouvrières. En définitive, de 1861 à 1870, pour les caisses privées, il en a été fermé 155, il en a été créé 13 ; il en reste 496, comptant 949 millions de francs de dépôts et 1,384,756 déposans. De 1861 à 1870, les caisses postales ont ouvert 4,047 bureaux, comptant en 1870 377,747,500 francs de dépôts et 1,183,153 déposans : l’ensemble des dépôts s’est considérablement accru ; il était de 1 milliard 31 millions de francs en 1860, il dépasse aujourd’hui, en 1872,1 milliard 400 millions, dont près de 1 milliard pour les caisses d’épargne privées et plus de 400 millions pour la caisse postale.

Le progrès appelle le progrès, et voici qu’un membre de la Society of arts, de cette académie pratique des sciences morales et économiques de la Grande-Bretagne, qui depuis plus d’un siècle est en Angleterre le foyer d’élaboration de la plupart des lois, des réformes et des progrès, une sorte de chambre d’initiative du parlement anglais, voici que M. George Bartley vient d’adresser, au nom de la Society of arts, au postmaster general du royaume-uni un projet pouvant servir de base à un nouveau bill qui aurait pour but de développer les services de la loi organique, des post-office savings-banks. M. Bartley propose d’ouvrir les caisses d’épargne postales le soir, les vendredis et samedis, jours ordinaires de la paie, pour saisir le bon vouloir des ouvriers économes à