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diligences donnait des chiffres plus élevés. Il faut ajouter que, d’après les enquêtes faites avec soin sous le contrôle de l’administration et de la justice, la plupart des accidens qui arrivent sur les voies ferrées sont dus à l’imprudence des voyageurs, sans compter les suicides, qui, en 1869, ont été au nombre de 4.

Les accidens arrivés au personnel des compagnies ont été beaucoup plus fréquens. On a constaté 175 cas de mort, dont 9 sont attribués à l’exploitation, 150 à l’imprudence et 16 à diverses causes fortuites ou mal expliquées. Parmi les victimes, on compte 53 hommes d’équipe, 19 gardes-lignes et gardes de nuit, 15 poseurs de la voie, 13 cantonniers, 12 aiguilleurs, 11 conducteurs ou chefs de train. Ce sont les agens de la voie qui sont le plus exposés ; puis viennent les agens des gares. La statistique ne donne pas le chiffre des blessés, qui doit être considérable. Alors que la sécurité des voyageurs paraît suffisamment garantie, le personnel des chemins de fer paie bien largement son tribut aux périls d’une exploitation qui est pour lui comme un champ de bataille. Vainement les invitations les plus expresses, les règlemens les plus stricts commandent-ils la régularité et la prudence dans les manœuvres, l’attention sur les mouvemens de la voie, et la patience qui, dans un service de ce genre, est la meilleure sauvegarde. De même que l’on ne peut empêcher beaucoup de voyageurs de descendre de voiture avant l’arrêt complet, de même on ne parvient pas à modérer la précipitation effrayante que certains agens des trains apportent dans leur service. Les ouvriers qui travaillent sur la voie se laissent souvent surprendre par des trains en marche ou par des locomotives isolées, soit qu’ils n’aient pas entendu le coup de silflet, soit qu’ils n’aient pas eu la précaution de se ranger assez vite. Ici comme à la guerre, l’habitude du danger, auquel on a échappé tant de fois, produit l’insouciance et pousse à la témérité. C’est la nature humaine. Les compagnies ont le devoir de ne rien négliger pour diminuer autant que cela est possible les chances d’accident, pour recommander la prudence et l’imposer par les règlemens d’une discipline rigoureuse, enfin pour venir en aide aux victimes ou à leurs familles ; il faut aussi que le public sache ce qu’il doit de gratitude et de respect à ces vaillans soldats de l’industrie, qui luttent jour et nuit, et trop souvent succombent sur le chajnp du travail.


III

Après avoir résumé les documens statistiques d’après lesquels on peut suivre les progrès du réseau, le développement des transports et les principaux détails de l’exploitation, il nous reste à examiner la situation financière pour l’ensemble des voies ferrées. Quel est le