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plus de 18 millions de voyageurs de banlieue, tandis qu’elle n’en a transporté sur ses grandes lignes que 10 millions. De même, sur un chiffre total de 22 millions 1/2 de voyageurs, la compagnie de l’Est en a compté près de 6 millions pour la petite ligne de Vincennes. Au contraire, sur les lignes des compagnies de Lyon et d’Orléans, qui pratiquent moins activement l’exploitation de la banlieue parisienne, les voyageurs à long parcours sont de beaucoup es plus nombreux. Si considérable que paraisse au premier abord cette circulation de 111 millions de personnes sur le réseau de nos chemins de fer, circulation à laquelle les gares de Paris contribuent pour un chiffre de 36 millions (arrivée et départ réunis), on peut regretter que ce mouvement ne soit pas plus important, surtout quand on observe que la circulation intérieure de Paris par les omnibus dépasse le chiffre de 100 millions de voyageurs. Même en tenant compte des différences de conditions, de parcours et de prix, on devrait supposer que le territoire entier de la France est sillonné par un plus grand nombre de voyageurs dans les diverses directions. De 1861 à 1869, la circulation sur l’ensemble des chemins de fer ne s’est guère accrue que dans une proportion arithmétique par rapport au nombre de kilomètres ouverts à l’exploitation. Le goût et le besoin des voyages ne se sont pas encore propagés autant qu’on devait le croire ; il y a en France de nombreuses régions où les habitans n’aiment pas à se déplacer. On s’en prend quelquefois au prix de transport, et l’on insiste pour que les compagnies, dans leur propre intérêt, réduisent leurs tarifs. C’est une grosse question qui ne peut être résolue d’un trait de plume. Un dégrèvement radical, tel que les réformateurs le conseillent, détruirait infailliblement, au moins pour plusieurs années, l’équilibre financier de l’exploitation, et les compagnies, non plus que l’état leur garant, ne sont en mesure de courir ce risque. Du reste le prix du transport est peu élevé, car il ne revient en moyenne, d’après la statistique de 1869, qu’à 5 centimes 43 centièmes par kilomètre (non compris l’impôt du dixième), et il serait injuste de soutenir que les compagnies ne sont pas entrées dans la voie des réductions de tarif, puisque ce prix moyen est inférieur de 1 centime 23 centièmes à celui de 1851. Or veut-on savoir ce que représente cette réduction centésimale ? Cela ne va pas à moins de 50 millions de fr. au profit de l’ensemble des voyageurs de 1869, qui ont fuit sur les chemins de fer un parcours de 4 milliards 107 millions de kilomètres. En d’autres termes, si ces voyageurs avaient eu à payer les mêmes tarifs qu’en 1851, ils auraient versé dans les caisses des compagnies 273 millions au lieu de 223 millions. Cette démonstration chiffrée, dont tout l’honneur revient à la statistique, semble concluante.