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de ces séditions de palais à la fois féroces et plaisantes qui commencent dans le sang et finissent par se noyer dans le vin.

Faut-il parler des défauts ? L’air et la perspective manquent. Les personnages sont entassés, plaqués les uns sur les autres. Les têtes ne sont pas toujours expressives, ni les attitudes naturelles. La composition paraîtrait vide, si la muraille qui en occupe le centre n’était couverte de peintures, d’arabesques et d’ornemens qui attirent trop l’attention et tiennent une trop grande place dans le tableau. — La Fête intime est une œuvre à la fois plus païenne et moins imparfaite. Dans le jardin d’une maison grecque, le long d’une sorte de galerie étrusque peinte d’un vert doux et pâle, des jeunes gens et des jeunes filles vêtus de blanc conduisent autour du trépied sacré cette ronde des bacchanales qui était dans l’antiquité une espèce de rite religieux. Ils soulèvent en dansant une poussière dorée ; on aperçoit au-dessus de leurs têtes un peu de verdure, la corniche d’une toiture ensoleillée et une bande de ciel bleu. Au centre, un jeune danseur bondit en élevant au-dessus de sa tête une torche enflammée ; à côté de lui, une jeune femme admirablement drapée, la taille cambrée, le poing sur la hanche, danse en agitant au bout d’un thyrse la pomme de pin de Bacchus. À droite, un vieux Silène couché cuve déjà son vin ; un jeune garçon en tunique blanche suit la danse en agitant des cymbales. À gauche, trois musiciennes sont rangées le long de la muraille ; la première, d’un délicieux dessin, est accroupie et frappe un tambourin ; la seconde souffle dans un chalumeau ; la troisième joue de cette flûte à deux becs que les Latins appelaient ambubagœ. Toute cette composition est leste, vive, gracieuse, d’un style qui rappelle les danseuses des fresques romaines ; il semble qu’on sente la cadence qui les soulève. Certains morceaux sont d’une grande finesse. Pourquoi faut-il que l’harmonie soit détruite en quelques endroits par l’abus du procédé ? Ainsi la tunique blanche du jeune homme aux cymbales, quoique d’un fort bel arrangement, est trop accusée et trop empâtée. La tête, d’un travail beaucoup plus sobre et plus uni, paraît être sur un autre plan, et ne tient pas aux épaules. Pourquoi aussi le sarcophage situé au milieu de la toile, et devant lequel fume le trépied sacré, n’est-il pas en porphyre au lieu d’être en marbre blanc, et confondu aux draperies blanches des danseurs ? Il ne faut pas éviter la difficulté quand elle se présente ; mais un artiste de la valeur de M. Alma-Tadéma devrait comprendre qu’il ne faut pas non plus la rechercher inutilement.

M. Becker est, quant à lui, le propre élève de Gérome. On le reconnaît du premier coup d’œil, tant au choix de son sujet qu’à une certaine mollesse élégante. La Veuve du martyr visite, au fond des