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faveur des objets d’art, même catholiques et monarchiques, l’ardeur la plus conservatrice ! Sergent, dans ses rapports, par le des tableaux, avec sensibilité, et verse à propos de statues des larmes sincères. Sergent, artiste par profession, aimait tout, ce qui tient à l’art. Laissons à la biographie anecdotique le soin de rechercher si son goût pour les objets d’art et précieux, ne fut pas porté jusqu’au point de se les approprier parfois d’une manière illégitime. Ce qui est certain, c’est que, de gré ou de force il rendit à la convention, sous forme d’hommage, la fameuse agate tombée dans ses mains aux Tuileries pendant la nuit du 10 août, agate qui présentait le phénomène singulier d’offrir aux yeux les reflets des trois couleurs nationales, — attrait auquel s’en joignait un autre : elle valait cent mille francs, d’après l’évaluation du détenteur lui-même, à qui le sobriquet de Sergent-agate en resta. Ni ces accusations, contre lesquelles il cherche à se défendre dans plusieurs brochures, ni sa complicité trop démontrée dans les massacres, ne sauraient empêcher qu’il n’ait fait preuve du plus actif et du plus efficace dévouement dans la commission des arts. Il arracha, aux fureurs révolutionnaires les chevaux de Marly, l’horloge de Lepaute, un grand nombre de statues placées à Versailles, qu’il fit transporter à Paris et mettre sous bonne garde ; il établit à l’hôtel de Nesle le dépôt de tout ce qui put être soustrait au vandalisme ; enfin il fit remplacer dans le jardin des Tuileries, par des fleurs et des arbustes, les pommes de terre que ses collègues de la commune y avaient fait planter.

Nous nous sommes posé en commençant cette question de savoir qui fut coupable du vandalisme et s’il faut l’imputer à un parti. La question s’agite avec une singulière passion en 1793 et en 1794. Robespierre en accuse à diverses reprises, Pitt et les aristocrates, les thermidoriens en accusent Robespierre. Erreur des deux parts. Pitt n’eut pas besoin de solder des hommes qui trouvaient leur plaisir à détruire, et la contre-révolution, ne mit pas la main dans la dévastation de tous les souvenirs qu’elle honorait. Grégoire, Lakanal, Fréron, Fourcroy, Marie-Joseph Chénier, s’accordent, tous à comparer le dictateur déchu au farouche conquérant Omar. Ils répètent à l’envi qu’il avait comploté de plonger la France dans la barbarie. Ce complot contre les arts et les lumières, ce dessein suivi d’en anéantir jusqu’aux derniers restes ne repose sur aucun fait, et l’étude du caractère de l’homme le dément. Quel que juste répulsion qu’il inspire, et bien qu’il pût obéir à un sentiment d’envie en proscrivant de brillans orateurs, Robespierre ne saurait être accusé de ce projet, qui n’est en rapport ni avec ses théories, ni même avec ses actes. Ce défenseur de l’instruction primaire n’était pas un conspirateur en faveur des ténèbres ; ce rhéteur étudié ne