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Parmi ces faits, il en est qui méritent d’être rappelés. À Verdun, les tableaux, les tapisseries, les livres et autres objets provenant de la cathédrale ont été transportés sur la place La Roche ; les officiers municipaux, décorés du ruban tricolore, le district, deux membres du département, ont assisté à cette glorieuse expédition. On a battu la générale, on a fait prendre les armes aux citoyens, et les destructeurs se sont livrés à ces excès de boissons par lesquels ce genre de scène finit d’ordinaire quand ce n’est pas par là qu’il commence. Après la cérémonie, ces mêmes hommes ont forcé l’évêque constitutionnel à danser autour du bûcher. Il nous semble pourtant que cela ne laisse pas d’être assez complet comme scène de vandalisme. Le mal n’avait pas été connu non plus tout entier pour Nîmes, Morfontaine, Bourges, Gisors, Mayenne, pour d’autres localités, comme Meudon, comme Sens, où le monument du chancelier Duprat avait été dégradé. Combien d’autres faits ajoutés à ceux qui avaient été dénoncés ! En voici quelques échantillons : à Mont-de-Marsan, deux statues de Mazetti ont été mutilées ; à Reims, on a mutilé un tombeau d’un beau travail, précipité d’une hauteur de 20 pieds un tableau de Zuccharo. À Melun, une belle statue de marbre blanc a été cassée. À Fontainebleau, un tableau magnifique est en cendres. Sans doute Grégoire fait allusion au portrait de Louis XIII par Philippe de Champagne. Dans la même ville, on a brisé une statue de fleuve en bronze qui avait été exécutée sous la direction de Léonard de Vinci. À Étain, nombre de livres volés. À Saint-Serge, près d’Angers, dans l’église des Bénédictins, des groupes précieux, sont brisés. Deux belles statues, le saint Jérôme et le saint Sébastien, qui avaient échappé à cette rage dévastatrice, ont été détruites. À Verdun, où nous venons de voir la municipalité se signaler par ses hauts faits, les arts regrettent surtout une Vierge de Houdon, et un Christ mort de grandeur naturelle. À Versailles, c’est une magnifique tête de Jupiter qui subit le même sort. Un vandale s’est amusé à tirer à balle sur ce monument, qui avait orné les jardins de Médicis, et qui, depuis plusieurs siècles, n’avait subi aucune avarie. Ailleurs, comme à Carpentras, des parties entières de monumens tombent sous le marteau. Dans plusieurs villes, on détruit jusqu’aux orangers. À Paris même, aux Invalides, des statues mutilées en grand nombre jonchent le sol de leurs débris ; il faut citer beaucoup de sculptures dues à Coisevox, à Houdon, à Bouchardon. Vous ne trouverez pas mentionnée là une autre perte, avérée pourtant, deux figures de Germain Pilon ornant l’horloge du Palais de Justice, qui furent brisées. Quel remède, outre l’appel aux bons citoyens, invoque Grégoire contre ces destructions qu’il signale avec la plus honorable indignation ? L’instruction du peuple ! Sans doute