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Dans les tombeaux des XIVe et XVe siècles, on a trouvé neuf couronnes tant de vermeil que de cuivre doré. Le cercueil de Charles V renfermait une couronne de vermeil, une main de justice d’argent, un sceptre de cinq pieds de long, surmonté de feuilles d’acanthe d’argent bien doré, celui de Jeanne de Bourbon un anneau d’or, des fragmens de bracelets, des souliers d’une forme très pointue, brodés d’or et d’argent. On a trouvé dans le cercueil de Louis VIII un reste de sceptre de bois pourri, un diadème qui n’était qu’une bande d’étoffe tissue en or, avec une grande calotte d’une étoffe satinée assez bien conservée : le corps avait été enveloppé dans un drap ou suaire tissu d’or ; on en trouva des morceaux. On voit, par là qu’en somme les matières précieuses et les objets d’art ensevelis dans le cercueil des vieux rois n’étaient pas aussi prodigués qu’on l’a cru par nos aïeux. Dom Poirier ajoute même qu’on finit par sentir le ridicule d’enfouir l’or et l’argent dans le sein de la terre avec la pourriture des cadavres. Cet usage cessa au XVIe siècle. La révolution fit plus : elle porta à la Monnaie ces matières précieuses restées inutiles dans des tombes, et les fit fondre.

Les détails que nous transmet dom Poirier sont instructifs, mais accompagnés d’une expression dont la crudité choque. Sommes-nous devenus trop délicats sur le chapitre des laideurs physiques de la mort, dans lesquelles avait paru pendant des siècles se complaire à l’excès un spiritualisme ascétique ? Pour l’impassible bénédictin, l’exhumation des restes des rois de France se réduit à, deux questions, une question d’archéologie, une question d’anatomie et d’embaumement, qui ne l’intéresse pas moins, et qui lui paraît trouver dans l’opération qui s’accomplit une circonstance unique pour être résolue. Ce sont ses termes mêmes. Il regrette que les citoyens Tourette et Pinson, très versés dans l’étude de la composition et de la décomposition des ossemens, malheureusement invités trop tard, aient manqué l’occasion unique, dit-il, d’observer des sujets de tout âge et de tout sexe qui se sont succédé pendant l’espace de douze siècles, c’est-à-dire députe le squelette de Dagobert, mort en 638, jusqu’à celui du dauphin mort en 1789. Des sujets, voilà l’expression que continue à employer, en parlant des restes des personnes royales, ce pieux et sévère écrivain, qui, se renfermant dans sa probité rigide d’érudit, sans laisser percer jamais la moindre émotion, même historique, décrit tout en conscience, et pour qui les cercueils de Henri IV et de Louis XIV ne sont que des coffres de chêne ou de métal, mesurant telles dimensions et renfermant des curiosités dignes d’être constatées avec soin, y compris les os et le cadavre des rois défunts !

Sur les pertes d’objets d’art et de luxe, comme sur la