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Sir James Melvil, envoyé l’an 1564 par Marie Stuart, reine d’Ecosse, à sa bonne sœur Elisabeth d’Angleterre, donne l’historique suivant de la manière dont il fut reçu. « Sa majesté commença par me demander comment s’habillait ma souveraine, quelle était la couleur de ses cheveux, et laquelle des deux avait, à mon sens, la taille la mieux faite ? Ensuite elle voulut savoir à quoi la reine Marie occupait son temps. Je répondis que la reine, au moment où je l’avais quittée, revenait de chasser dans les highlands, mais que, lorsque les affaires lui en laissaient le loisir, elle aimait beaucoup à se distraire en jouant soit du luth, soit du virginal. — Et joue-t-elle bien ? — me demanda Elisabeth. Je répliquai : — Oui, très bien pour une reine. — Le même jour, après dîner, lord Hunsden me conduisit dans une galerie dérobée pour entendre jouer sa majesté, assurant qu’il agissait ainsi de son propre mouvement et sans y être autorisé. Après avoir écouté quelques instans, je soulevai la tapisserie qui servait de portière, et, voyant que la reine me tournait le dos, je pénétrai dans la chambre, et continuai à prêter l’oreille. Elisabeth jouait remarquablement bien. Sitôt en m’apercevant elle s’arrêta, parut d’abord un peu surprise, se leva et vint à moi en me menaçant gracieusement de la main comme pour me donner une tape. — J’ai pour habitude de ne jamais jouer devant les hommes, me dit-elle ; je ne joue que lorsque je suis seule et pour dissiper la mélancolie. — Je tâchai de m’excuser de mon mieux, je parlai de la cour de France, où j’avais longtemps séjourné et où de pareilles licences ne sont point mal vues, et j’ajoutai que j’étais prêt à me soumettre humblement à telle peine qu’il plairait à sa majesté de m’infliger. Elle s’assit alors sur un coussin, et, comme je m’agenouillais par terre à ses pieds, elle insista pour me faire aussi m’asseoir. Ce n’était point tout. Elle voulait avoir mon opinion sur son talent, et que je lui disse si je trouvais que c’était elle ou ma souveraine qui jouait le mieux. La position devenait délicate ; je m’en tirai en lui donnant le prix. » J’ai cité ce trait, parce qu’il prouve une chose, que dans toute reine il y a une femme, et qu’en dépit des siècles et des climats, des royaumes et des mœurs, chez les Ptolémées-Lagides comme chez les Tudors, toutes les rivalités de femmes se ressemblent à l’endroit de la curiosité.

Les scènes de colère et de jalousie, l’impatiente Égyptienne dut