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et l’intérêt public ? Le temps n’effraie point nos voisins, ils ont la patience que donnent à un peuple des institutions libres ; encore faut-il que leurs efforts répondent à un but positif et non à une illusion[1].

L’intérêt qui s’attache, du moins dans les grandes villes, à l’élection des school boards s’explique aisément par l’étendue des attributions dont jouissent ces conseils. Ils peuvent acheter des terres, emprunter de l’argent, régler et ordonner les dépenses, nommer ou révoquer les instituteurs, fixer le budget scolaire, limiter l’instruction à ce que les Anglais appellent secular subjects, c’est-à-dire les connaissances scientifiques et littéraires. Parmi bien d’autres privilèges que leur confère la loi, on remarque celui de lever des contributions, rates ; ils sont même autorisés dans certains cas à nommer des officiers qui vont recueillir l’argent nécessaire pour combler le déficit de la caisse des écoles. En général, l’Anglais ne répugne point à payer les impôts qui lui semblent justes, il tient seulement à savoir pourquoi il paie, et à suivre ses shillings, comme il dit, jusque dans les mains de l’autorité. Tous les jours, il s’assure contre l’incendie, contre les dangers de mort, contre les accidens de chemin de fer ; pourquoi ne s’assurerait-il point contre l’ignorance, qui est le plus redoutable fléau des sociétés ? Beaucoup d’esprits éclairés ne considèrent point l’argent donné pour soutenir les écoles comme un sacrifice, c’est un placement de fonds à gros intérêts sur les développemens du travail et de la richesse matérielle ; l’un d’eux a même calculé que 1,000 livres sterling dépensées avec sagesse pour l’éducation des enfans produisaient en quelques années un retour de 10,000 livres sterling dans les caisses du pays. Marchands, manufacturiers, capitalistes, tous y trouveraient leur compte, car de telles avances rencontrent bientôt une rémunération dans les progrès du commerce, de l’industrie et de l’agriculture. Il se peut sans doute que tous les contribuables n’envisagent point les choses de la même manière ; quelques-uns d’entre eux se montrent probablement insensibles à une branche de prospérité publique dont ils ne doivent recueillir les fruits que dans l’avenir ; mais il est permis d’affirmer qu’ils sont en petit nombre chez nos voisins. D’où vient donc alors la résistance qui s’est déclarée dans ces derniers temps au paiement des school rates ? L’obstacle est toujours dans la question religieuse. Beaucoup d’Anglais

  1. Il est pourtant juste de faire observer que les districts dans lesquels se sont établis les conseils d’école représentant les grands centres de l’industrie et du commerce. Londres, Liverpool, Manchester, Bristol et d’autres districts, sont gouvernés, en ce qui regarde l’éducation, par 118 conseils tenant sous leur main une population de 6 millions d’âmes, plus d’un tiers des habitans du royaume-uni.