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de la National education league délibéra un instant sur la ligne de conduite qu’il devait suivre. Fallait-il se contenter d’une victoire douteuse et se dissoudre ? On décida que l’œuvre de la ligue n’était point accomplie, qu’elle n’avait obtenu qu’un succès négatif, et qu’elle devait persévérer. Les libéraux anglais ne se découragent point aisément en face des obstacles. « Le temps, dirent-ils, est de notre côté, time is on our side ; on n’a jamais vu en Angleterre une minorité se retirer de la lutte, car elle n’est jamais vaincue quand elle accepte sa défaite avec courage et regarde fixement dans l’avenir le jour où, par la diffusion de ses doctrines et l’accroissement de ses forces, elle doit devenir une majorité. » De leur côté, le clergé anglican et l’aristocratie, effrayés des progrès de la ligue, inauguraient le 3 novembre 1870 à Manchester une association rivale qui prit le titre de National education union. Elle se composait de 2 archevêques, 5 ducs, 1 marquis, 18 comtes, 20 évêques, 21 barons, 111 membres du parlement, 300 défenseurs bien connus de l’ancien système d’éducation et 5,000 souscripteurs. Je ne dirai rien de son organisation, qui ressemble beaucoup à celle de la ligue ; ses moyens d’action sont les mêmes, des succursales, des meetings, des agens, des publications ; quant à son but, elle se propose de résister à la sécularisation des écoles nationales. L’évêque d’Ély (principauté de Galles) déclarait qu’il aimerait mieux voir le mahométisme enseigné dans les pensions de son diocèse que d’y trouver l’absence de toute instruction religieuse. Ces deux sociétés, sœurs ennemies, la National education league et la National education union, se promettaient bien de surveiller la manière dont fonctionnerait la nouvelle loi, d’intervenir dans les élections des school boards et de défendre les intérêts de leurs adhérens. Il faut les suivre l’un et l’autre sur ce terrain pratique, où nous serons mieux à même de saisir le mécanisme de l’instruction primaire chez nos voisins.


II

L’education act était à peine en vigueur, que déjà les grandes villes, Londres, Birmingham, Leeds, Sheffield, Manchester, Liverpool, Bradford, réclamaient la formation des school boards. On avait compris que c’était la clé de voûte du nouveau système. D’après la loi, ces conseils locaux peuvent être institués par le gouvernement lorsqu’à la suite d’une enquête il s’est assuré que les moyens d’éducation sont insuffisans dans le district[1] : ils peuvent

  1. Le nouveau bill divisait le pays en districts scolaires, school districts, composés de la métropole, des bourgs, excepté Oxford, et des paroisses renfermées dans ces districts.