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Ce procédé ne témoignait point d’un respect très grand pour la liberté de conscience, mais il faut dire que les adversaires de la nouvelle doctrine en faisaient autant de leur côté. Le protestantisme, ayant réussi à s’établir en Angleterre, dut naturellement favoriser les institutions qui pouvaient étendre et affermir dans les intelligences l’empire de la réforme religieuse. L’école devint ainsi une annexe de l’église. Malgré l’intérêt de propagande qui s’attachait chez nos voisins, à la diffusion des lumières, l’éducation populaire était encore au commencement du XIXe siècle dans un état déplorable. Les institutions, les méthodes, les livres de classes, tout manquait, tout était à créer. Quelques rares écoles étaient clair-semées dans les campagnes, tandis que dans les villes, notamment dans la cité de Londres, de louables, mais impuissans efforts avaient été tentés pour l’instruction des enfans de la classe pauvre., En 1808* une société de dissidens (British and foreign school society, société britannique et étrangère) se fonda pour propager l’enseignement élémentaire parmi, les familles des différentes sectes qui couvraient la surface du royaume. D’un autre côté, en 1811 naissait la Société nationale (National society), qui se proposait de baser l’éducation sur les principes de l’église établie. Toutefois le mouvement ne se développa qu’en 1815, après la bataille de Waterloo. Est-ce la destinée des guerres heureuses ou malheureuses que d’appeler l’attention des peuples sur les dangers de l’ignorance et sur les bienfaits de l’instruction publique pour accroître les moyens de défense nationale ?

De 1815 à 1839, l’éducation de la classe la plus nombreuse fut entièrement abandonnée chez nos voisins à ce qu’ils appellent le système volontaire. C’est l’initiative personnelle qui a tout fait. Avec l’aide et sous la direction de deux puissantes sociétés rivales, l’une vouée aux intérêts de l’orthodoxie protestante, l’autre représentant les doctrines des hétérodoxes, les écoles surgirent de toutes parts comme par enchantement, appuyées sur des legs, des souscriptions, des dons généreux. Le clergé de l’église anglicane, les ministres des différentes sectes religieuses, se mirent partout à la tête du mouvement. Envisagé dans son ensemble, ce système fut admirable. Que d’écoles construites et maintenues par le zèle des différentes congrégations ! Impartial spectateur des faits, je déclare avoir vu dans la Grande-Bretagne des écoles primaires fort bien administrées sous la direction de l’église établie et sous la main des dissidens ; . mais (et c’est là toute la question) ces établissemens ne s’adressaient qu’à un nombre restreint d’élèves ; au-dessous, dans les profondeurs de l’ordre social, dans les régions ténébreuses et sans foi, ainsi que disent les Anglais, s’échelonnait une sombre