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leur famille. Il leur fut répondu : « Jamais ! » C’est alors qu’ils eurent l’idée de fonder à Londres une université qui fût ouverte à tous sans distinction d’origine et de croyance religieuse. La concession fut demandée au parlement, qui l’accorda. Grâce aux efforts de lord Brougham et du poète Thomas Campbell, cette tentative fut couronnée de succès malgré la violente opposition des évêques protestans. Le 1er octobre 1828 s’inaugurait le collège qui fut le berceau de l’université de Londres.

Cette université laisse en dehors le principe religieux ; elle n’a point de chaire, de théologie, elle ne s’adresse ni à une secte ni à une autre, catholiques, protestans de toutes les nuances, juifs, libres penseurs, Hindous sectateurs de Brahma ou adorateurs du feu, tous s’y réunissent sur le terrain neutre de la science et des belles-lettres. C’est ce même système que beaucoup d’Anglais voudraient maintenant étendre et appliquer aux écoles primaires, tandis que d’autres, tout en tolérant une telle expérience pour la jeunesse de la classe moyenne, la déclarent dangereuse et subversive de tout ordre social pour les enfans du peuple. La lutte se continue depuis quelques années vive, opiniâtre, et aucun des deux partis n’a encore rendu les armes. Dans ce mouvement d’idées, il faut faire la part du gouvernement et celle de la nation. Le gouvernement a servi de médiateur entre les belligérans : il a promulgué une loi sur l’éducation qui a été votée par les deux chambres ; le suffrage électoral a même été appelé à se prononcer sur le choix des hommes qui doivent fixer le mode d’enseignement national et diriger les-écoles. D’un autre côté, l’opinion publique a préparé, dicté, on oserait presque dire exigé, la plupart des réformes introduites dans le dernier bill. Ce qu’il s’agit de démontrer dans cette étude est comment un peuple servi par toutes les libertés, jouissant du droit absolu de réunion et d’association, mais ayant renoncé depuis longtemps à l’emploi de la force, s’organise pour atteindre par les seules armes de la raison des conquêtes qui finissent toujours par appartenir au plus juste et au plus sage.


I

Il n’existe point dans la Grande-Bretagne de statistique indiquant le nombre et la valeur des écoles primaires avant 1811. On peut néanmoins se faire une idée des influences qui présidaient à l’éducation du peuple. Toutes les révolutions religieuses ont cherché à s’emparer de la jeunesse. Martin Luther, dans une lettre adressée en 1526 à l’électeur de Saxe, lui proposait d’obliger les parens catholiques à envoyer leurs enfans dans les écoles qu’il avait fondées.