Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/717

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Wœrth et des premiers revers du maréchal de Mac-Mahon, le jeune écrivain italien rappelait cet autre jour de 1859 où le vaillant et intègre soldat de l’honneur et du devoir rentrait à Paris tout brillant de la victoire de Magenta. Aux injustices populaires de 1870, il opposait les ovations d’autrefois, et il disait avec une effusion touchante : « Qui a un esprit et un cœur pour comprendre les grandes infortunes et pour mesurer les grandes douleurs enverra de loin un salut plein de respect et d’affection au vaincu de Wœrth, en lui disant du plus profond de l’âme : Maréchal, les Italiens ne sont pas ingrats ; pour nous, vous êtes toujours le vainqueur de Magenta ; … pour nous, le nom de Mac-Mahon et un nom d’ami, un nom qui n’inspire que de la reconnaissance… » Celui-là au moins n’était point oublieux, il ne se faisait pas le courtisan du succès, le flatteur des victorieux, et ce que M. de Amicis disait du valeureux soldat, il le disait de la France elle-même. « L’affection que nous avions pour la France glorieuse, puissante et redoutée, pour son armée choyée par la victoire, pour son peuple ardent d’enthousiasme et de foi, cette affection, nous la garderons toujours vive et immuable à la France malheureuse, frappée au cœur, et portant la couronne desséchée de reine des peuples sur un front ensanglanté… Nous aurons la conscience d’avoir aimé et honoré ce grand peuple, de l’avoir aimé victorieux, de l’avoir honoré vaincu, sans hypocrisie, sans intérêt, d’un cœur de frères… » C’est ainsi qu’il faut parler en Italie, comme en France, lorsqu’on se met au-dessus des vulgaires passions et des calculs subalternes. Voilà les paroles qu’il faut recueillir lorsqu’on se préoccupe non d’aigrir et de diviser, mais de rapprocher deux nations unies par tant de traditions et d’intérêts, exposées peut-être aux mêmes périls et faites pour marcher ensemble, en se prêtant un mutuel appui, dans les voies de la civilisation.

CH. DE MAZADE.


ESSAIS ET NOTICES.

LES LATIFUNDIA DE L’AGRO ROMANO.
Relazione sulle condizioni agrarie ed igieniche della campagna di Roma, par Raffaele Pareto, 1872.

Le ministère de l’agriculture du royaume d’Italie a publié récemment un très curieux mémoire sur la campagne romaine, rédigé par M. Raffaele Pareto, au nom de la commission chargée d’étudier les moyens d’améliorer les conditions économiques et hygiéniques des environs de la nouvelle capitale. On sait que l’agro romano est désolé par une fièvre paludéenne très pernicieuse, la malaria, et que par suite elle forme un vrai désert d’un sol fertile, mais exploité comme le sont les