Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/715

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rêvent des restaurations du passé de jour en jour plus difficiles. L’Italie en réalité a résolu un problème aussi nouveau qu’étrange en politique. Elle a fait les choses les plus hardies, la révolution la plus grave peut-être du siècle, en restant modérée et pratique, sans se laisser emporter aux résolutions par trop excessives, en sachant résister au contraire aux entraînemens des têtes folles des partis. Le cabinet de Rome, ce cabinet qui compte dans son sein des hommes tels que M. Lanza, M. Visconti-Venosta, M. Sella, représente cette politique dans ce qu’elle a de prudent et d’heureux.

Parce que le cabinet actuel a eu le privilège de pousser jusqu’au bout le programme de la révolution italienne, parce qu’il est allé à Rome et parce qu’il a fait tout cela un peu malheureusement à la faveur des victoires de la Prusse sur la France, il y a des esprits passionnés ou futiles qui ne demanderaient pas mieux que de l’engager dans une guerre à fond contre la papauté, qui voudraient le voir lier la fortune de l’Italie à la fortune de la Prusse contre la France. Les hommes habiles et aussi sensés qu’habiles qui dirigent les affaires italiennes se gardent bien de tomber dans ce piège. Ils sont allés à Rome, ils veulent y rester, et c’est parce qu’ils veulent y rester qu’ils évitent tout ce qui pourrait conduire à des aventures nouvelles. Ils agissent comme des politiques prévoyans qui n’ont aucune envie de voir des querelles religieuses s’allumer tout à coup sur les pas du saint-père s’enfuyant du Vatican. Ils ont réussi jusqu’à présent à montrer à l’Europe que le pape pouvait rester en toute sûreté à Rome. C’est là sans doute le secret de leur politique, des ménagemens qu’ils gardent, de l’ajournement de certaines mesures, telles que la loi qui devait être présentée sur les corporations ecclésiastiques romaines. Le cabinet de M. Lanza suit cette ligne de conduite avec persévérance, au risque d’avoir à se séparer en chemin d’un de ses membres, le ministre de l’instruction publique, M. Correnti, qui a refusé récemment d’abandonner une loi sur l’enseignement dont le premier article supprimait toute direction religieuse dans les écoles. M. Correnti s’est retiré très honorablement, très dignement, sans mauvaise humeur, le cabinet a maintenu sa politique, et la majorité du parlement lui a donné raison une fois de plus. Ce n’est nullement à coup sûr la marque d’une inspiration réactionnaire, c’est l’acte d’une politique prudente et habile. Le ministère ne croit point à l’urgence de ces questions dans les circonstances actuelles, il croit à la nécessité de l’apaisement par la modération, et il reste convaincu avec raison que cette modération est sa force devant l’Europe, qu’elle fait plus pour la sécurité, pour l’avenir de l’Italie que tout ce qui pourrait pousser le pape à quelque résolution extrême.

Le ministère de Rome n’est pas moins éloigné de céder aux étranges conseils qui fausseraient absolument la politique extérieure de l’Italie,