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conflits, à peu près inévitables, sérieux jusqu’à un certain point sans contredit, mais exagérés et grossis par les passions intéressées, s’évanouissent l’un après l’autre. Depuis quelque temps, le progrès est certainement sensible. Cela ne signifie point sans doute qu’il ne puisse y avoir des rechutes, des défaillances, des irruptions de l’esprit de parti, toujours prêt à se jeter au milieu de l’œuvre pacificatrice ; cela signifie tout simplement qu’il y a un instinct supérieur à tout, qu’il se forme par degrés une situation où la première pensée est de faire les affaires de la France, d’aller droit aux questions essentielles, en écartant les divisions, les agitations, les querelles acrimonieuses et stériles. Qu’on mette en présence l’empire et le 4 septembre pour arriver à démêler la vérité sur l’un et sur l’autre, pour chercher comment de si poignans désastres ont pu se produire, comment ils ont été aggravés, rien de mieux, c’est l’objet des enquêtes qui se poursuivent. En dehors de cela, il est douteux qu’on réussisse à émouvoir le pays par des évocations passionnées qui ne peuvent que rétrécir et obscurcir les problèmes de reconstitution nationale dont la France est justement occupée. On vient de le voir encore une fois à l’occasion de ce débat que M. Rouher a soulevé comme pour atténuer l’effet des saisissantes peintures que M. le duc d’Audiffret-Pasquier avait retracées, il y a peu de jours, de toutes les misères, de toutes les confusions de cette guerre, où la légèreté présomptueuse de la politique qui l’a engagée n’a eu d’égale que l’imprévoyance de l’administration qui était chargée de la préparer et de l’organiser.

On l’attendait, cette séance des interpellations de M. Rouher, avec une impatience mêlée d’une certaine crainte. On avait hâte de savoir ce qu’avait à dire l’ancien ministre d’état, et en même temps on n’était point sans une vague inquiétude ; on se demandait si une discussion de ce genre ne déchaînerait pas de nouveaux orages, si le gouvernement ne serait pas obligé de prendre un rôle dans ce débat, si la défense de l’empire n’appellerait pas d’impitoyables représailles, peut-être quelque nouveau verdict de déchéance, si enfin l’assemblée n’allait pas offrir encore au pays le spectacle d’un de ces tumultes qui laissent les esprits un peu plus troublés, les questions et les situations un peu plus obscures. C’était un danger, on le sentait bien, et c’est peut-être parce qu’on le sentait, parce qu’on le voyait, que le danger a cessé d’exister. On s’est surveillé, on s’est contenu, on s’est dit qu’il fallait tout à la fois respecter l’inviolabilité de la tribune et ne pas laisser une illusion à la cause qui retrouvait un défenseur dans le parlement dix-huit mois après Sedan. La raison l’a emporté, la discussion est restée un duel suffisamment régulier entre M. Rouher et M. le duc d’Audiffret-Pasquier sur le terrain des marchés de la guerre, et elle n’aurait pas perdu ce caractère sans une intervention de M. Gambetta, qui a pour sûr jeté