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l’égard des maîtres étrangers ? Le nom de Mlle Battu paraît sur l’affiche, il semble que ce soit une acquisition pour tout le monde ; nullement. Mlle Battu ne connaît et ne doit connaître que les Noces de Figaro, et ceux-là se trompent qui pensent que les ouvrages nouveaux vont profiter de sa présence. Avec ce système, on n’aboutit qu’à la confusion, disons mieux, qu’à l’impossibilité d’être, et le théâtre n’aura que ce qu’il mérite lorsque, par un juste retour, demain M. Victor Massé, pour donner son Paul et Virginie, prétendra qu’on engage M. Capoul et la Patti.

Bruxelles s’applaudit déjà de son nouveau directeur du conservatoire, et ce rapide succès ne surprendra point quiconque a vu naguère ici M. Gevaërt à l’œuvre dans les importantes fonctions qu’il remplissait à l’Opéra. M. Gevaërt est un enfant de cette Belgique savante et musiquante qui nous a donné les Grétry, les Fétis, les Grisar. Compositeur éminent, nos théâtres lui doivent plusieurs ouvrages, entre autres une excellente partition de Quentin Durward, représentée avec honneur à l’Opéra-Comique, et ce Capitaine Henriot, si joyeusement traité à la manière des comédies héroïques, Peut-être regretterons-nous maintenant d’avoir trop peu profité de la bonne volonté productive d’un pareil maître pendant que nous l’avions chez nous. Il est vrai que son temps passé à l’Opéra ne fut pas un temps perdu, bien s’en faut. S’il s’abstenait d’écrire pour son propre compte, c’était pour ne plus s’occuper que des autres et concentrer dans ses mains toute la direction des études musicales. L’ancienne administration de l’Opéra avait cela de bon, qu’elle savait ne point reculer devant la dépense, et s’attachait M. Gevaërt, alors qu’elle avait déjà des chefs de service tels que MM. Victor Massé et George Hainl. Du reste, ces surcroîts-là portent toujours leurs fruits. M. Gevaërt ne se contentait pas de gouverner le personnel, il se mêlait aux détails administratifs, conseillait, surveillait, inspirait ; quand on pensait à mettre en scène quelque œuvre d’ancien répertoire, c’était lui qui remplaçait Gluck ou Mozart. Un homme de cette valeur ne pouvait qu’être désigné d’avance à l’attention de son gouvernement. Le roi des Belges y a tenu la main envers et contre les cabales, et M. Fétis a trouvé tout de suite son successeur. Outre la somme énorme de science musicale, historique et linguistique qu’il possède, le nouveau directeur du conservatoire de Bruxelles a pour lui bien des avantages : la jeunesse, l’activité, l’entente des affaires. Voilà l’homme qu’il nous fallait, et notre mauvaise chance veut que ce soit un Belge. A peine installé, M. Gevaërt a donné le branle. Une société s’est organisée sur le modèle de notre société des concerts. On sait quelle pépinière d’instrumentistes est la Belgique ; de là nous sont venus les Bériot, les Servais, les Vieuxtemps ; l’œuvre fonctionne et grandit à vue d’œil. Ce n’est pas tout, l’influence du directeur du conservatoire s’étend sur les théâtres