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mesurer les changemens de température, de pression, de force musculaire, etc., par lesquels se traduit l’action thérapeutique. Pour mener à bonne fin une investigation aussi complexe, on se sert des instrumens ordinaires de la vivisection, d’appareils enregistreurs, la plupart inventés par M. Marey, de réactifs chimiques, de microscopes, de spectroscopes, de polariseurs. Bref, toutes les sciences fournissent leur tribut au physiologiste désireux de donner à son tour au médecin des préceptes thérapeutiques d’une application sûre.

Telles sont, du côté de la physiologie, les légitimes espérances de la thérapeutique. Elle a le droit d’en concevoir d’aussi belles du côté de la chimie. Cette dernière, qui a rendu déjà tant et de si grands services à l’art de guérir, lui en rendra un dernier et le plus désirable de tous, celui de créer artificiellement les principes actifs qu’on est obligé encore aujourd’hui d’extraire des végétaux. La préparation des alcaloïdes au moyen des plantes est si longue, si dispendieuse, et peut être entravée dans certaines conjonctures d’une façon si préjudiciable aux intérêts de la santé publique, que les chimistes doivent s’appliquer à rendre désormais inutiles ces opérations d’un art grossier. La connaissance de la structure intime des molécules est assez avancée, la puissance des méthodes de synthèse est assez parfaite, pour qu’il ne soit pas téméraire d’entreprendre une pareille besogne. On reproduit de toutes pièces dans les vaisseaux d’un laboratoire les acides, les essences et les graisses des végétaux, on en prépare, au moyen de réactions nettes, les parfums pénétrans et les vives couleurs ; pourquoi ne découvrirait-on pas le secret de la formation de ces principes subtils, bienfaisans ou terribles selon les cas, qui tantôt rétablissent la santé compromise, tantôt éteignent la flamme de la vie ? Il est vrai que les essais tentés jusqu’ici dans cette direction n’ont pas été couronnés de succès ; du moins la médecine n’en a tiré aucun profit. C’est en poursuivant des recherches sur les moyens d’obtenir artificiellement la quinine et en étudiant dans ce sens la toluidine que M. Perkin découvrit en 1856, au lieu du précieux médicament qu’il cherchait, un composé rouge qui est devenu la source des couleurs d’aniline. Cet échec, d’un genre singulier, ne doit pas décourager les investigateurs ; une gloire durable est réservée à celui qui réussira là où M. Perkin n’a pas réussi.

Il est permis aussi de penser, comme le faisait remarquer dernièrement M. A.-W. Hoffmann, qu’il en sera désormais de la thérapeutique comme de la teinture. Aujourd’hui on ne cherche plus, comme autrefois, à obtenir les diverses nuances par des mélanges mécaniques de plusieurs matières colorantes. C’est le même