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en raison directe du poids atomique du métal contenu dans le sel. Les poids atomiques des métaux étant en raison inverse des chaleurs spécifiques, la loi de M. Rabuteau peut encore être énoncée sous cette forme : les métaux sont d’autant plus actifs que leur chaleur spécifique est plus faible. La loi est la même pour les métalloïdes de la famille de l’oxygène ; elle est inverse pour ceux qui sont congénères du chlore et pour ceux de la classe de l’arsenic[1]. L’infatigable investigateur a entrepris, il y a six ans, des expériences, constamment poursuivies jusqu’à ces derniers temps, pour établir ces lois, dont l’Académie des Sciences a consacré la découverte par une récompense éclatante. Il est aisé d’en apprécier l’intérêt pratique. Lorsqu’un médecin aura désormais à choisir entre divers sels, il lui suffira pour en connaître immédiatement les activités respectives, et par suite pour en déterminer les doses, de consulter une table des poids atomiques. Lorsqu’un physiologiste voudra éprouver l’action d’un composé métallique, il pourra en prédire l’intensité relative et régler en conséquence ses expérimentations. Quand, il y a quelques années, on essaya sur les animaux l’influence des sels de thallium, un des métaux que l’analyse spectrale venait de révéler, on fut tout surpris de constater que ces sels, si ressemblans d’ailleurs à ceux de soude et de potasse, étaient néanmoins fortement toxiques. C’est que le poids atomique du thallium est très élevé ; sa puissance vénéneuse est donc en parfait accord avec la loi de M. Rabuteau.

Le perfectionnement de l’art médical est ainsi lié de la façon la plus étroite au progrès de nos connaissances sur l’action réelle des substances toxiques et médicamenteuses. Pour étendre ces connaissances, il faut suivre l’exemple et les méthodes de M. Bernard dans l’examen des effets produits sur les tissus animaux. Il importe aussi, comme l’a recommandé M. Dumas, d’essayer l’action de toutes ces substances nouvelles que crée depuis quelque temps la chimie organique, et dont plusieurs recèlent certainement des vertus médicinales. L’étude de ces effets est très délicate, et il est nécessaire que les savans qui l’entreprennent puissent manier avec une égale habileté les instrumens de la physique, de la chimie et de la physiologie. Il ne s’agit pas seulement d’analyser les symptômes apparens provenant du dérangement des organes, de discerner les parties atteintes et de déterminer le genre d’altération qu’elles ont éprouvé, il est indispensable de rechercher les changemens survenus dans la composition immédiate des sécrétions et des excrétions ainsi que les voies et les modes d’élimination de la substance active, enfin de

  1. Ce dernier point a été établi tout récemment par M. Ritter.