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quelques années, a pris depuis peu dans le traitement des maladies nerveuses une place très importante : c’est le bromure de potassium. Ce sel, dont les physiologistes avaient reconnu l’action hyposthénisante sur les nerfs et les vaisseaux, a été adopté récemment par les praticiens comme un remède contre les affections nerveuses et surtout contre l’épilepsie. Administré à la dose de plusieurs grammes par jour, il exerce l’action sédative la plus marquée sur cette terrible névrose ; s’il ne la guérit pas complètement, il détermine du moins une rémission prolongée des accidens, et toujours il calme les secousses, les soubresauts et l’irritabilité des malades. Les observations faites en Angleterre et en France, sur une grande échelle, depuis sept ou huit ans, ne laissent pas de doute sur la réalité de ce résultat. Un autre médicament minéral, employé depuis longtemps, l’acide arsénieux, est devenu, grâce aux derniers travaux de M. Magitot, un des agens les plus sûrs de la thérapeutique dentaire : il jouit de la singulière propriété de provoquer la réparation de l’ivoire.

Les faits qui viennent d’être cités attestent une féconde activité des études de thérapeutique scientifique durant les dix dernières années, et ils constituent la meilleure réponse qu’on puisse opposer au scepticisme en matière de médecine. Sans se bercer d’illusions, on peut croire que ce progrès ne s’arrêtera point. Nous n’en voulons pour preuve que l’ardeur réelle avec laquelle ces recherches sont aujourd’hui poursuivies dans tous les pays. Ainsi que ledit M. Rabuteau au début de l’ouvrage complètement neuf qu’il vient de publier, nous ne pouvons plus nous contenter de savoir qu’un médicament guérit, nous voulons savoir aussi comment il opère. Ce genre de curiosité s’est emparé de presque tous les médecins, et ceux même qui ne semblent pas croire que la thérapeutique mérite le nom de science font volontiers des essais pour apprendre à mieux connaître le mécanisme des actions médicamenteuses.

Existe-t-il un rapport entre la nature chimique des corps et le degré de leur pouvoir toxique et thérapeutique ? Il est permis aujourd’hui de répondre à cette question d’une manière affirmative. Depuis longtemps on avait fait à ce sujet quelques remarques empiriques. Ainsi on savait que les sels des métaux lourds sont plus actifs que ceux des métaux légers, que les sels de plomb et de mercure tînt des propriétés vénéneuses, tandis que les sels de soude et de magnésie sont relativement innocens ; mais il n’y avait là qu’une comparaison sans rigueur. C’est M. Rabuteau qui a formulé la relation générale entre l’énergie physiologique des composés minéraux et leur nature chimique. L’énergie des sels métalliques solubles est