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cœur d’une grenouille. C’est l’artifice auquel on eut recours, il y a quelques années, dans une affaire fameuse d’empoisonnement par la digitaline. Les médecins emploient aussi depuis peu de temps un autre alcaloïde, la vératrine, qui, comme le précédent, exerce une action énergique sur les fibres musculaires et surtout sur celles du cœur, et rend des services dans les inflammations des organes intérieurs, surtout dans la fluxion de poitrine.

Il convient de dire ici quelques mots de l’eucalyptus globulus, dont on parle tant depuis quelques années. L’eucalyptus, apporté récemment d’Australie par M. Ramel dans le midi de l’Europe, où il s’acclimate très bien, est un arbre gigantesque de la famille des myrtacées. Il contient une huile volatile qui communique aux feuilles et à l’écorce des propriétés qui sont mises à profit depuis peu en thérapeutique, grâce aux efforts de deux médecins français, M. Gimbert et M. le professeur Gubler. L’essence d’eucalyptus émousse la sensibilité réflexe de la moelle épinière, et par là calme la toux et l’oppression dans un grand nombre de maladies pulmonaires. Par l’action qu’elle exerce sur les muqueuses, elle mérite une place au premier rang des agens de la médication anticatharrale. Prosper Mérimée, qui a passé les dernières années de sa vie à Cannes, y fumait d’habitude des cigarettes d’eucalyptus et paraissait en éprouver un grand soulagement. Outre cette essence, l’arbre australien renferme un principe amer, très efficace contre les états morbides intermittens, surtout contre les fièvres paludéennes. Dans l’Amérique du Sud, en Espagne, en Corse, en Algérie, en Roumanie, l’infusion d’eucalyptus commence en effet à jouir d’une certaine vogue comme fébrifuge, et on y a recours avec d’autant plus d’empressement qu’elle triomphe souvent de cas rebelles à l’action du quinquina. Une heureuse salubrité est d’ailleurs l’apanage des contrées où ce végétal est très répandu. Les émanations balsamiques qu’il exhale constamment parfument l’air et l’épurent. Les voyageurs et les médecins qui en ont étudié de près l’économie physiologique sont convaincus qu’il pourrait être employé avantageusement pour assainir les pays marécageux où la fièvre est endémique, non-seulement en modifiant l’atmosphère, mais encore en desséchant le sol et en y empêchant le développement de la végétation aquatique d’où naissent les miasmes.

Les médicamens nouveaux dont il vient d’être question sont tous des composés organiques, c’est-à-dire provenant plus ou moins directement des substances végétales ou animales. La thérapeutique emploie aussi un grand nombre de médicamens minéraux. Il en est peu parmi ces derniers dont l’introduction dans la pratique soit de date récente. L’un d’entre eux cependant, à peine employé il y a