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fabriquait avec pompe, et les vertus en étaient si appréciées que les hommes riches en avaient toujours chez eux une provision.

À partir de Galien, la médecine est étroitement associée à la scolastique. Plus on avance, plus elle se confond aussi avec la théosophie et la sorcellerie. Le microcosme ne fut plus qu’une représentation du macrocosme ; on était convaincu qu’il existe une liaison intime entre le corps humain et les astres, et le médecin était tenu de consulter ces derniers avant d’administrer un remède. Un praticien de ce temps à qui l’on demandait si la tisane d’orge couvrent aux personnes atteintes de fièvre répondit que cette boisson ne saurait leur être utile, puisqu’elle est une substance, tandis que la fièvre est un accident. Voilà le bénéfice apparent que la médecine retirait de cette association. Pendant près de mille ans, il se fit, dans les langes de ce mysticisme, un travail des plus extraordinaires, — quelques-uns disent des plus funestes, mais ils ont tort. Cette subtile dialectique de l’école est le lien qui rattache Platon et Aristote à la philosophie moderne et perpétue la tradition spéculative. Cette ardente recherche de la pierre philosophale est le terrain ou s’élaborent lentement, les germes de l’avenir. Cette chimère de l’élixir de longue vie est l’occasion d’une quantité d’essais empiriques, dont profite, bon gré, mal gré, l’art de guérir. Pendant que l’on croit que tout reste stationnaire et enveloppé de ténèbres, il se trouve qu’au XVe siècle déjà les écoles d’Arabie et de Salerne d’une part, les alchimistes de l’autre, ont enrichi la matière médicale d’une foule de précieuses substances, telles que plusieurs sels d’antimoine, le sel de Saturne, le foie de soufre, l’éther, l’ammoniaque, le précipité rouge, les acides nitrique, sulfurique et muriatique, l’alcool, etc.

Aussi, quand au commencement du XVIe siècle Paracelse attira l’attention de l’Europe, le moment était propice à l’entreprise de ce médecin fameux. Paracelse est le principal promoteur de la thérapeutique chimique, et a exercé par là une influence considérable sur les destinées de la médecine. Le premier il représenta la chimie comme le vrai moyen de préparer les médicamens, combattit l’abus des mélanges compliqués et souvent inertes de la polypharmacie galénique, et fit voir la nécessité d’isoler les quintessences, les principes actifs des simples. Il remit en honneur l’opium presque oublié. Il préconisa l’usage des substances énergiques empruntées au règne minéral, et montra l’efficacité thérapeutique des sels de mercure, de fer, d’arsenic, d’antimoine, d’étain, d’or, etc. Ses cures heureuses furent aussi célèbres que les désordres de son existence, Paracelse conserva les formes de langage de ses contemporains, et même en abusa. Ses ouvrages sont pleins des termes mystiques de