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pour consolider l’indépendance militaire et par suite politique de la nation, a insisté avec énergie pour le maintien des principes de la pragmatique-sanction, du pacte juré dès 1723 avec la maison d’Autriche, et pour que l’on tînt compte des circonstances et des nécessités. Le ministre a obtenu la grande majorité des suffrages pour ce chapitre du budget comme pour le budget tout entier. Le 5 février a été votée la loi de finances établissant un total de recettes ordinaires et extraordinaires montant à 252 millions de florins, total insuffisant pour couvrir les dépenses ordinaires et extraordinaires, lesquelles s’élèvent à 296 millions de florins. Ce n’est pas là, malgré la richesse croissante du pays, une situation rassurante ; mais les discussions financières les plus vives ont eu lieu sur un terrain autre que celui du budget, sur la question d’une banque magyare, dans les séances du 15 au 21 février.

L’amour-propre national, sans distinction de partis, est vivement froissé depuis longtemps de la situation dépendante de la Hongrie à l’égard de la banque autrichienne. Les billets émis par ce grand établissement circulent en Hongrie sans concurrence, puisqu’il n’y a pas encore de banque purement magyare ; de là une véritable action exercée par la finance viennoise, et, suivant les Hongrois, une pression qui dans certains cas pourrait devenir funeste au pays. C’est toujours, on le voit, la question de l’union avec l’Autriche qui surgit à propos des finances comme à propos de l’administration militaire ; mais cette fois le centre gauche a pris une attitude plus agressive. M. Tisza (le chef de ce parti, qu’il ne faut pas confondre avec M. Louis Tisza, ministre du commerce), M. Coloman Tisza s’est écrié : « Je ne veux pas que la banque nationale de Vienne dirige le commerce et l’industrie de la Hongrie ; je ne veux pas que la Hongrie soit à la merci de quelques banquiers viennois. » M. Jokai n’a pas craint d’élargir le débat et d’ajouter : « De quoi s’agit-il ? Des billets de banque ? Non, il s’agit de tout le développement du pays, de son progrès ou de sa décadence. » D’autres orateurs, M. Simonyi par exemple, ont fait honte à leur patrie de n’avoir pas une banque à elle, comme le plus petit royaume de l’Europe. Un économiste d’origine française, membre distingué du parti Deák, M. Tréfort, a fait prévaloir, sur ces réclamations radicales un projet modéré, aussitôt accepté par le gouvernement et adopté par 180 votons contre 124. En attendant qu’une banque purement magyare soit instituée, le ministre des finances hongrois devra s’entendre avec son collègue autrichien pour un règlement de la banque viennoise qui puisse être soumis aussi à la diète de Hongrie. Encore sur ce point, le dualisme l’emportait, mais non sans effort.

Les réformes et les nouvelles créations relatives à l’instruction