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pauvre comme du plus noble Magyar, augmentait l’antipathie contre son alliée traditionnelle.

Cependant une minorité assez ardente formait un contraste visible avec le reste de la nation. Elle se composait de deux élémens très différens, des luthériens et de plusieurs députés ou journalistes de la gauche. Les luthériens de Hongrie sont beaucoup moins nombreux que les calvinistes, et les calvinistes étaient pour la plupart amis déclarés de la cause française. Ce n’était donc pas précisément la croyance religieuse qui valait à la Prusse la sympathie d’une partie des protestans hongrois : c’était plutôt la similitude confessionnelle, l’habitude de regarder le roi de Prusse comme le premier représentant de la confession d’Augsbourg, nom porté en Hongrie comme chez nous par l’église luthérienne ; c’était le désir de voir la plus redoutée des nations catholiques vaincue par le peuple et le roi luthériens. Quant aux députés et journalistes de la gauche, les uns étaient conduits par leurs passions politiques à souhaiter la chute de la puissance napoléonienne, les autres voyaient dans l’unité allemande victorieuse la ruine des ambitions germaniques de l’Autriche et par suite la prépondérance de l’élément magyar dans cet empire ; quelques-uns enfin éprouvaient une sorte de haine philosophique pour « la France vieillie et cléricale, vouée par cela même, selon eux, à la décadence. »

Les foudroyantes nouvelles de la capitulation de Sedan et de la journée du 4 septembre, sans modifier l’opinion générale, produisirent dans la presse et dans les rangs des hommes d’état un déplacement sensible des sympathies. L’opposition de gauche accueillit avec enthousiasme la proclamation de la république française, et suivit de ses vœux le gouvernement de la défense nationale. Deux fois dans le courant de l’hiver, la chambre des députés, qui venait de reprendre ses séances, entendit un de ses membres proposer, sans résultat il est vrai, un vote d’encouragement à notre adresse, et plus d’un radical hongrois franchit la frontière pour aller s’enrôler dans l’armée de Garibaldi. Malheureusement c’étaient là autant de motifs capables de refroidir les conservateurs ; ils se rappelaient qu’en 1848 notre exemple était devenu funeste à leur pays, ils éprouvaient pour l’établissement d’un ordre stable en France des inquiétudes, qui se sont progressivement calmées, mais qui étaient très vives au début. Ils craignaient que de quelque embrasement général ne sortît la ruine du dualisme et de l’empire autrichien. On put s’en apercevoir dans les délégations au peu de faveur que rencontra M. Julian Klaczko, chaleureux avocat d’une cause déjà perdue.

De toute façon, il ne convient point d’attacher une grande