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et l’extinction des hypothèques : Il pouvait se faire que des citoyens, pour augmenter leur crédit, fissent disparaître une inscription, sauf à la rétablir plus tard, ou que, pour paraître plus pauvre qu’il ne l’était, tel autre plaçât sur son fonds des bornes constatant les titres de créanciers imaginaires. Au prix pourtant de quelques inconvéniens, cette publicité valait encore bien mieux que la clandestinité hypothécaire de Rome.

Si les tuteurs de Démosthène, avec le concours de l’archonte, avaient affermé son patrimoine, le paiement des loyers stipulés et le bon entretien des biens auraient été garantis par une inscription rédigée sans doute, à de légères variantes près, comme celle-ci, qui a été retrouvée à Marathon :

Borne du champ et de la maison qui servent de gage pour le fils orphelin de Diogeiton, de Probalinthe.[1]


Dans ce cas, les tuteurs n’auraient eu qu’à surveiller les rentrées, à encaisser les loyers, dont une partie eût été consacrée à l’entretien des mineurs, puis à capitaliser le reste ; la loi et l’usage leur conseillaient, ou peut-être même leur ordonnaient, d’acheter en pareil cas, au nom de leurs pupilles, des immeubles tels que maisons de ville ou fonds de terre. Quand le patrimoine était considérable, il restait chaque année, une fois prélevés les frais de nourriture et d’éducation, une somme disponible ; si elle était sagement employée, si d’ailleurs les biens avaient été affermés dans de bonnes conditions, il devait arriver qu’au terme de la tutelle la fortune des mineurs, loin d’avoir souffert, se fût sensiblement augmentée. Démosthène cite l’exemple d’un de ses contemporains, Antidoros, dont la fortune, en six ans de tutelle, avait été ainsi portée de 3 talens 1/2 à 6 talens, c’est-à-dire presque doublée. Il arrivait donc souvent que les chefs de famille, pour assurer ces avantages aux enfans qu’ils allaient laisser orphelins, ordonnaient dans leur testament que l’ensemble du patrimoine fût mis en location. Y avait-il une clause de ce genre dans les dernières volontés du père de notre orateur ? Démosthène l’affirme dans le procès qu’il fit plus tard à ses tuteurs ; mais l’acte testamentaire, qui fut sans doute supprimé par ceux-ci, n’étant point produit devant le tribunal, il ne peut opposer aux dénégations de ses adversaires que le témoignage de sa mère. Les tuteurs prétendaient que le mourant ne s’était pas soucié de voir le chiffre de sa fortune divulgué par la production d’un inventaire complet et détaillé, qu’il eût fallu fournir

  1. Corpus inscriptionum grœcarum, n° 5-31.