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LA REINE COAX

CONTE FANTASTIQUE.


à Mlle aurore sand.

Puisqu’à présent tu sais lire, ma chérie, je t’écris les contes que je te disais pour t’instruire un tout petit peu en t’amusant le plus possible. Tu apprends ainsi des mots, des choses qui sont nouvelles pour toi. Je me décide à publier un de ces contes pour que d’autres enfans puissent en profiter aussi : leurs parens ne m’en saurons point mauvais gré.

Ta grand’mère


Il y avait dans un grand vieux château en Normandie ou en Picardie, je ne me souviens pas bien, une grande vieille daine qui possédait beaucoup de terres, qui était très bonne et très sensée maigre son grand âge. Autour du château, il y avait de grandes douves ou fossés remplis de joncs, de nénufars, de souchets et et mille autres plantes fort belles qui venaient toutes seules, et où vivaient une quantité de grenouilles, quelques-unes si vieilles et si grosses qu’on s’étonnait de leur belle taille et de leur voix forte. La châtelaine, qui s’appelait dame Yolande, était si habituée à leur tapage qu’elle n’en dormait pas moins bien, et personne autour d’elle n’en était incommodé.

Mais il arriva une grande sécheresse. L’eau manqua dans les fossés, les roseaux et les autres plantes périrent ; beaucoup de grenouilles, de salamandres, de lézards d’eau et autres petites bêtes qui vivaient dans ces herbes moururent et furent cause que la boue fut comme empoisonnée, répandit une vilaine odeur de marécage, et fit venir la fièvre dans le château et dans les environs. Cette