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profits. Turgot, avec de moindres ambitions, ne fait pas moins bonne figure. Plus limité, son enseignement est en même temps mieux défini ; c’est à la fois un véritable enseignement primaire supérieur et un enseignement industriel et commercial qui développe les aptitudes générales et conduit à tous les genres d’application. Les 1,000 enfans auxquels il s’adresse appartiennent pour la majorité aux commerçans de détail, aux petits fabricans, aux employés secondaires ; il s’y joint aussi quelques boursiers venant des écoles primaires, qui en sont la fleur et forment l’apport des classes vouées aux travaux manuels. Ici également les destinations se mettent en rapport avec les études, et par suite ont des prétentions plus modestes. Sur 150 élèves sortis en 1868 des diverses sections, plus de 100 s’étaient placés dans des emplois de commis aux écritures, à la vente, au magasin, etc. Sur ce point, la réputation de l’école est désormais bien établie tant à Paris qu’à l’étranger. Elle est une véritable pépinière dont les classemens sont des plus sûrs, et bien des maisons de commerce comptent à l’avance sur la promotion de chaque année pour se recruter d’employés.

Aucune analogie, aucune confusion ne sont donc possibles entre ces établissemens ou ce qui s’en rapproche et l’école d’apprentis que devrait fonder la ville de Paris. Le projet de M. Gréard concerne exclusivement « les enfans qui, après avoir passé de la salle d’asile à l’école, doivent, au sortir de l’école, entrer en métier, et ne trouvent que l’atelier, où ils désapprennent ce qu’ils ont laborieusement appris, où ils n’apprennent pas ce qu’il faut savoir pour vivre. » L’incident vidé, voyons ce qu’on peut reprocher à ce projet.

En quoi consiste-t-il d’abord ? On suppose en premier lieu qu’en demandant la création d’une école d’apprentis il s’agit de substituer l’école d’apprentis à l’atelier. C’est une supposition mal fondée. Procéder ainsi serait aller contre l’expérience et la nature des choses ; mais voici dans quelle mesure le système d’une école d’apprentis peut être réalisé.

Un fait constant, c’est que, quelle que soit la durée de l’apprentissage, trois, quatre ou cinq ans, il n’a réellement de profitable pour l’éducation professionnelle de l’apprenti que la dernière année ou les deux dernières années de l’atelier, — en d’autres termes qu’entré à l’atelier à treize ans l’apprenti ne commence un travail sérieux qu’à l’âge de seize ou dix-sept ans. Jusque-là, s’il s’agit de gros ouvrages, la force lui manquerait, et pour les ouvrages fins il n’aurait pas l’habileté qu’ils exigent. Aussi est-il presque uniquement employé alors à des occupations domestiques. Or n’y a-t-il rien à imaginer pour remplir ce vide ? Ne conçoit-on pas une école pour le mettre à même, par le maniement des outils combiné avec