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LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

forme d’apprentissage, et qu’à supposer que tous les métiers pussent avoir un apprentissage, il est absolument impossible d’avoir une école pour chaque métier, ou de réunir les principaux métiers dans une école, et conséquemment de satisfaire la variété infinie des intérêts et des besoins. Enfin à ces empêchemens de l’ordre matériel s’ajoutent des empêchemens de l’ordre moral dont il est nécessaire de tenir compte : la vie de tutelle où est tenu l’apprenti, les habitudes qu’il y contracte, la dépendance dont il prend le pli et quelquefois le goût ; voilà les objections de principe.

En fait, les questions se pressent et se multiplient. Quel régime d’administration appliquera-t-on à l’école d’apprentis ? Qui fournira la matière ? La municipalité ? mais quelle dépense s’ajoute au budget de l’enseignement ! Pour compenser une partie des frais, la municipalité fera-t-elle travailler dans l’école à son profit ? Alors comment concilier cette concurrence administrative avec les droits des industries qui travaillent à leurs risques et avec leur propre argent ? S’entendra-t-on avec de grandes maisons qui dirigeront l’éducation des apprentis par l’intermédiaire d’un certain nombre de contre-maîtres, et fourniront les matériaux en se réservant le bénéfice de la main-d’œuvre ? Toutes questions délicates, plus faciles à soulever qu’à résoudre, si bien qu’au lieu de chercher un inconnu irréalisable, peut-être vaudrait-il mieux se rapprocher de types déjà créés et mis à l’essai par l’état ou par le génie municipal, Chaptal par exemple ou Turgot, les colléges d’enseignement secondaire spécial, les écoles primaires supérieures, lesquels, bien pourvus de ressources et de maîtres, propageraient les connaissances théoriques en vue des applications, et fourniraient des moniteurs à l’enseignement des ateliers.

À ceci il n’y a qu’une réponse à faire, c’est qu’aucun de ces établissemens ne saurait être l’équivalent d’une école d’apprentis, où il ne faut viser ni trop haut ni trop bas, mais garder une juste mesure. Chaptal a une clientèle à lui, Turgot également, qu’on ne saurait ni déplacer ni confondre : Chaptal, une clientèle appartenant à la bourgeoisie aisée, Turgot une clientèle plus modeste, tout aussi nettement spécifiée. Les études, les prix de pension, se conforment à la nature des services. Chaptal embrasse tous les degrés de l’enseignement, depuis l’enseignement élémentaire jusqu’à l’enseignement le plus développé, unissant l’étude du latin à celle de quatre langues étrangères, s’élevant jusqu’à l’étude de l’économie politique et du droit usuel, et si bien pourvu des meilleurs instrumens scientifiques qu’il prépare et fournit des sujets à nos grandes écoles. Un autre avantage de Chaptal et l’un des meilleurs signes de la sève qui l’anime, c’est qu’il se suffit à lui-même avec les 1,200 élèves qu’il a recouvrés, et qu’au lieu de coûter à la ville il lui donne des