Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
525
LES ÉCOLES D’APPRENTIS.

berté de déterminations, afin que le goût naisse et que la vocation se décide. Comme attrait, il importe aussi de hâter le moment où son travail prend à ses yeux une valeur par le salaire qu’il en tire : c’est l’instinct qui parle alors et malgré tout commande ; ce qui contrarie cet instinct ou le dépasse est du raffinement, et n’a pas de chance d’être obéi.

Quelque opinion qu’on ait sur ces divers points, il n’en demeure pas moins constant que l’apprentissage s’en va. C’est la conclusion de M. Gréard, c’est également le cri des fabricans qui suivent avec le plus de sollicitude les destinées de notre industrie parisienne, des déposans dans l’enquête sur l’enseignement professionnel, des ouvriers délégués à l’exposition de 1867, des hommes de science comme des hommes d’expérience. Il est constant aussi que le peu d’apprentissage qui reste debout n’est autre chose qu’un empirisme, caractère qu’il a eu d’ailleurs de tout temps et pour toutes les générations. À ce propos, il conviendrait de ne pas viser trop haut et de se défendre de prétentions trop grandes. Quoi qu’on fasse, on ne donnera jamais à l’apprentissage, si parfait qu’on le rêve, la rigueur d’un art de précision. Il porte, à Paris surtout, sur trop de genres et sur une trop grande variété d’aptitudes. L’essentiel est d’aller droit aux réformes fondamentales et d’imprimer désormais à l’instruction des apprentis un caractère plus méthodique et moins superficiel, en y ménageant mieux les forces et, dût-on se récrier au sujet du mot, la dignité de l’enfant. Quand on aura obtenu cela, on pourra laisser au temps le soin de faire le reste.

II.

Ce n’est pas d’hier que ces questions ont été agitées, ce n’est pas d’hier non plus que des hommes de bien se sont mis à l’œuvre pour les résoudre et les amender. Il me souvient d’une visite que je fis, il y a trente ans de cela, chez un digne prêtre qui avait fondé rue de Vaugirard un pensionnat d’apprentis, et, après y avoir employé tout son bien, l’entretenait du mieux possible au moyen de dons péniblement recueillis. C’était l’établissement de Saint-Nicolas, qui a fourni à plus d’un atelier de Paris des sujets très capables, et continue à lui en fournir sous la direction des frères des écoles chrétiennes. La pension était des plus modiques, l’enseignement très bien entendu : un des élèves est entré, à ma connaissance, comme compositeur à l’Imprimerie nationale pour les langues de l’Orient. Depuis cette époque, ces pensionnats d’apprentis se sont multipliés ; on en compte douze au moins et dans un grand nombre d’industries, la bijouterie, la gravure sur métaux, la décoration des porcelaines, la fabrication des pianos, des