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mais si nous ne nous trompons, on savait présenté jusqu’ici au public français que de courts et rares échantillons de son talent. Il y a là une verve, un entrain, une imagination ardente et colorée qui, même à travers une traduction, donnent l’idée d’un grand poète. On a appelé Pétœfi le Béranger hongrois ; il a bien autrement de variété, une bien autre richesse d’invention que l’auteur du Roi d’Yvetot et du Vieux Sergent. On regrette en parcourant ces pages de ne pouvoir lire dans l’original tous ces petits poèmes dont quelques-uns doivent être des chefs-d’œuvre. Tout au moins, dans l’ouvrage que M. Ujfalvy, Hongrois établi parmi nous et qui manie avec facilité notre langue, a consacré à l’histoire et à la littérature de son pays, trouvera-t-on de curieux détails sur la langue magyare, qu’il rattache, d’après les philologues les plus compétens, au groupe finnois. Le volume se termine par un choix de poésies empruntées non-seulement à Pétœfi, mais à d’autres écrivains populaires en Hongrie. Ces divers travaux, tout restreint qu’en soit le cadre ; donnent déjà à qui sait lire et réfléchir une idée assez juste du caractère et des facultés d’une race qui, bien qu’elle ne compte guère plus de cinq millions d’hommes, joue maintenant et jouera encore longtemps un des premiers rôles dans l’Europe orientale.


G. PERROT.


Etudes sur l’Administration des finances de l’empire romain dam les derniers temps de son existence, par M. L. Bouchard[1].


La longue période de l’empire romain présente, au point de vue des institutions financières, un intérêt que n’ont pas épuisé les savans travaux consacrés, en France et à l’étranger, à l’administration et aux finances romaines. Il restait à décrire avec plus de précision encore cette machine compliquée et savante, où une grande variété de ressorts aboutit à une centralisation puissante, à y appliquer avec autant d’exactitude que possible l’art moderne de dépouiller le budget des recettes et des dépenses. C’est le travail que vient d’accomplir M. L. Bouchard, avec une connaissance toute pratique des matières administratives et financières unie à une consciencieuse érudition. On suit avec d’autant plus de curiosité cette dissection attentive de toutes les parties, on pourrait dire presque de toutes les fibres de ce corps immense qui eut vie pendant tant de siècles, que cet organisme s’est plutôt métamorphosé qu’il n’est mort. Telle partie restée vivante et comme passée dans notre système administratif et fiscal peut encore être indiquée. Entre le système romain et le nôtre, pour peu que l’attention soit éveillée, les analogies se découvrent d’elles-mêmes à travers des différences profondes qu’on ne saurait méconnaître, et mettent l’esprit sur la voie de plus d’un rapprochement instructif et fécond. Ce qui change d’ailleurs moins que les faits, ce sont les lois, ces lois qui constituent les vérités permanentes du

  1. 1 vol. in-8o ; Paris, Guillaumin.