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manens de la prospérité nationale, de faire rentrer enfin, par l’accord de toutes les volontés patriotiques, la vie et la santé dans ce grand corps mutilé de la France.

Est-ce donc impossible ? Serait-il si difficile de s’en tenir à cette politique qui, une fois admise et fidèlement pratiquée, donnerait une force irrésistible à l’assemblée et au gouvernement agissant toujours d’intelligence ? Il suffirait de le vouloir, de s’imposer le sacrifice de quelques passions, de quelques préférences, de quelques antipathies, et de faire après tout par choix, par une prévoyante préméditation, ce qu’on est réduit à faire souvent par nécessité. Cette politique nationale, patriotique, au dire des habiles, n’est qu’une utopie qu’on flétrit volontiers du nom d’expédient provisoire, et l’autre politique, que produit-elle ? à quoi arrive-t-elle ? Il nous semble bien cependant que tout ce qui se passe quelquefois sous nos yeux n’est pas sans quelque éloquence. Remarquez ce double fait. M. le duc d’Audiffret-Pasquier vient poser devant l’assemblée une grande question d’honnêteté publique ; ce n’est nullement une simple question de morale abstraite, sur laquelle il est toujours facile de s’entendre : c’est au contraire une question très positive, très pratique, conduisant à des réformes définies, à des épurations administratives, peut-être à des rigueurs nécessaires. Sur ce terrain cependant tout le monde est d’accord, toutes les opinions se rencontrent. Si on le veut bien, si on ne se laisse pas arrêter par la résistance de tous les abus et de toutes les routines, rien n’est plus aisé que d’arriver à un résultat sérieux et utile qui restera un bien pour la France sous tous les régimes possibles. Voyez d’un autre côté ce qui s’est passé à propos de cette reconstitution du conseil d’état, qui a occupé l’assemblée pendant quelques jours et qui l’occupera encore prochainement. Ici toutes les préoccupations de parti se sont livré bataille, et on a fini par tomber dans une véritable confusion où il serait assez difficile de dire à qui est restée la victoire. La victoire, nous le craignons, elle n’est restée à personne, et encore moins à une bonne politique qu’à un parti quelconque. Malgré tout le talent des hommes, c’est bien là une des discussions les plus étranges qu’il y ait eu depuis longtemps dans l’assemblée. Elle a mis à nu toutes les contradictions, tous les inconvéniens de ce qu’on pourrait appeler la politique de réticence et d’arrière-pensée.

Qu’y avait-il cependant de plus simple que cette question ? On a essayé de l’arrêter au passage par une sorte de considération préalable, par cette raison souveraine qu’on ne peut la trancher sérieusement tant que la France n’a pas un régime définitif. C’est l’éternelle et banale, objection qui finira par devenir irritante. Bientôt, à entendre certaines personnes, on ne pourra plus se permettre les plus simples actes de la vie avant de s’être demandé si on est sous la république ou sous la monarchie. C’est la condition indispensable, la panacée universelle. Qu’il s’a-