Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont allées s’ensevelir dans les archives. Il doit en rester quelque chose. Ce quelque chose pourra regarder la justice, s’il y a des coupables ; ce qui est surtout l’affaire de la politique, c’est d’aller droit à l’organisation qui a rendu tous les abus possibles, de se préoccuper des moyens de remettre l’ordre là où il y avait le désordre, la sincérité là où il y avait le mensonge. Sait-on seulement aujourd’hui ce qu’il y avait réellement de matériel de guerre, d’approvisionnemens de toute espèce en France au moment où la guerre de 1870 éclatait ? Non, on ne le sait même pas, on ne l’a jamais su, on ne le saura peut-être jamais malgré les recherches les plus minutieuses, parce qu’au bout de toutes les statistiques qu’on pourra produire il y aura toujours un point d’interrogation ; on se demandera ce qu’était la réalité. Après l’excès de confiance et d’illusion qui a tout permis, vient le scepticisme troublé qui ne croit plus à rien et se méfie de tout. Il faut cependant que le pays retrouve la sécurité en se sachant à l’abri de surprises comme celles qui l’ont consterné et livré à l’inévitable fatalité en 1870 ; il faut que, lorsque nos armées sont appelées à combattre, elles ne soient plus exposées à manquer de tout dès les premiers jours d’une campagne, et, pour en venir là, il faut que le contrôle soit sérieusement organisé partout, que les responsabilités soient efficaces, que les règlemens ne soient pas un vain mot, qu’on puisse voir toujours clair dans l’administration de la fortune et des ressources publiques. Voilà ce qui peut sortir utilement de l’enquête ; voilà la vérité pratique, et c’est précisément parce que M. d’Audiffret a montré cette vérité avec précision, avec énergie, c’est en mettant ainsi les esprits sur la voie des réformes possibles qu’il a fait un discours qui est plus qu’un discours, qui est tout à la fois un trait de lumière dans une situation obscure et un acte politique plein de promesses pour l’avenir.

Après cela, qu’on ne s’y trompe pas, la vraie et profonde raison d’un si grand succès parlementaire, c’est que M. le duc d’Audiffret-Pasquier s’est porté le témoin de la conscience publique sans trop s’informer s’il mettait en cause l’empire ou le gouvernement du 4 septembre. Il a fait sa trouée à travers les passions et les intérêts pour aller droit à ce qui doit être la condition invariable de tout régime honnête, le programme du seul parti dont la France ait besoin aujourd’hui, le parti de la reconstitution morale et patriotique du pays. L’empire se défendra, le gouvernement du 4 septembre s’expliquera ; peu importe, le résultat est acquis, le coup est porté, et par ce succès même qui s’est imposé si spontanément, qui a rallié un instant toutes les opinions sincères, on voit la supériorité d’un sentiment simple sur toutes les combinaisons et toutes les tactiques où l’on s’égare trop souvent. On voit ce que pourrait une politique qui, prenant la situation telle qu’elle est, se plaçant au-dessus des intérêts de partis qui divisent, se proposerait avant tout de guérir des plaies invétérées, de réorganiser tous les élémens essentiels et per-