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pays n’est pas près de la décadence quand il a le courage d’envisager ses fautes et l’énergie de les réparer… »

C’est le vrai mot et en quelque sorte la moralité de cette phase nouvelle, éclatant tout à coup dans un de ces discours qui ne sont pas seulement l’honneur des institutions libres, qui ressemblent à un acte attendu, qui sont l’expression caractéristique de tout un ordre de préoccupations. Depuis longtemps, il n’y avait eu un succès parlementaire plus soudain et plus universel que celui de M. le duc d’Audiffret-Pasquier, venant tout simplement résumer les travaux de la commission des marchés, dont il était le président. On ne s’attendait pas peut-être à ce qui est arrivé, l’imprévu a mis du piquant dans cette séance à la fois si brillante et si sérieuse, qui a été comme une révélation. Le fait est que toutes les opinions se sont trouvées un instant confondues autour de l’orateur descendant de la tribune, et le président de la commission des marchés a eu la fortune la plus rare que puisse ambitionner un homme public, puisque l’assemblée, dans un mouvement spontané et unanime de sympathie, a décidé que ce discours qu’elle venait d’entendre serait publié d’une manière exceptionnelle et affiché dans toutes les communes de France. Après cela, il n’y avait plus rien à envier. Comment s’explique cet éclatant succès qui nous a ramenés aux beaux jours de l’éloquence parlementaire ? Assurément M. d’Audiffret-Pasquier l’a mérité par son talent d’orateur ; il a su être habile, nerveux, substantiel, à la fois modéré et impitoyable, en déroulant ce tissu de marchés onéreux, d’irrégularités inextricables, où la fortune de la France a été si étrangement compromise ; il a conduit avec art cet exposé un peu compliqué, et d’un seul coup il a enlevé l’assemblée, lorsqu’après avoir décrit les mœurs créées par l’empire, il a montré d’un trait le service militaire obligatoire comme le seul moyen de remettre partout l’honneur et la discipline, d’enseigner à tous « comment on aiment comment on sert son pays. » Oui, sans doute, après cette séance de l’autre jour, qu’on appelait tout haut un événement, on peut dire que M. le duc d’Audiffret-Pasquier a conquis son rang d’orateur, de véritable debater, et cependant ici le talent n’explique qu’en partie un si vif succès.

La vérité est que M. d’Audiffret a surtout réussi parce qu’il a fait un acte de courageuse initiative et de politique honnête, parce qu’il a porté hardiment la lumière dans toutes les obscurités administratives, parce qu’il a saisi corps à corps ces abus invétérés qui survivent aux gouvernemens, qui ne font que grandir à travers les révolutions. Qu’on remarque bien d’ailleurs que c’est là une affaire qui commence. M. Rouher, relevant sans doute le défi au nom de l’empire, a déposé une interpellation sur les suites qu’on doit donner aux découvertes de la commission des marchés. M. d’Audiffret lui-même est venu tout récemment annoncer de nouveaux rapports sur les opérations du gouvernement du 4 septembre, et M. Gambetta, de son côté, a immédiatement accepté le