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Francs ; qu’il nous dépeigne nos rois de la première race, l’invasion musulmane et les maires du palais, Abdel-Rhaman et Charles Martel, puis Charlemagne et son empire, cette grande création éphémère, s’effondrant et se démembrant dans le chaos féodal ; qu’il nous fasse assister à l’origine et au progrès de la monarchie capétienne, à la conquête de l’Angleterre par les Normands, à la naissance des communes, à la sainte fièvre des croisades et aux vaillans débuts de la royauté française personnifiée en ces deux hommes, Philippe-Auguste et saint Louis, toujours sa méthode est la même, toujours l’image est vive, le récit animé, simple, rapide et concluant.

Mieux que tout autre livre, même pour plaire à des enfans, cette histoire pourrait se passer de gravures. Le texte en fait l’office, et j’ose dire qu’il rend la tâche ingrate, presque impossible, à l’artiste qui voudrait s’y risquer. Je suis tenté d’en rester là, car il me déplairait de troubler dans son entreprise un homme d’un rare talent, encore plus d’infirmer les éloges qu’il a déjà amplement recueillis. J’admire en lui la main la plus habile, et dans l’exécution des vignettes qui décorent le début et la fin des chapitres, petits sujets seulement indiqués, ne cherchant pas à traduire une action déterminée et ne représentant que le caractère général d’un ensemble de faits, je lui trouve un esprit, un art de composition ingénieux, agréable et fin ; mais les grandes vignettes, les planches couvrant toute la page, me semblent le plus souvent, qu’on me permette de le dire, en disparate, presque en contradiction avec le ton du récit. Autant chez l’écrivain la touche est sobre, juste, assurée, le but atteint et jamais dépassé, autant ces compositions fougueuses et par trop dramatiques, cherchant l’effet, l’effet conventionnel, sont la traduction peu fidèle du texte qu’elles veulent interpréter. Ajoutez que dans ces planches, l’échelle étant plus grande que dans les vignettes et les détails en devenant plus visibles, certaines inexactitudes historiques et archéologiques s’y laissent mieux apercevoir. Il en est parmi elles, et plus d’une à coup sûr, qui sont simplement conçues, et où l’art et la pensée ne le cèdent en rien à l’exécution, toujours irréprochable. Nous ne voulons signaler à l’auteur, vraiment digne de sérieux conseils, qu’une tendance générale contre laquelle il faut le prémunir. Si par la suite il s’assimilait mieux l’esprit de l’historien et s’il parvenait à le rendre, l’ouvrage y gagnerait, les lecteurs, les enfans surtout, y trouveraient profit, et je me pardonnerais mieux la critique un peu franche que je viens de hasarder.

Après tout, la gravure ne joue dans un tel livre qu’un rôle secondaire ; c’est un pur accessoire, un luxe, un ornement, et j’en dis presque autant de l’agrément du récit, si bien venu, si précieux qu’il soit. Ce n’est pas tout de bien dire et de bien raconter, la grande affaire est de comprendre, d’apprécier, de juger les choses qu’on raconte. Mettre à