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leur promets qu’ils iront jusqu’au bout. M. Guizot n’a rien écrit de plus sérieux et de plus attrayant tout ensemble, rien de plus étudié, de plus vrai, d’une portée plus grande. C’est un résumé substantiel de ces savans aperçus sur nos origines historiques et sur les développemens de la civilisation française qu’il y a quarante ans et plus nous entendions à la Faculté des lettres pour la première fois ; Ces vues profondes, sans avoir rien perdu en valeur scientifique, nous sont rendues sous une forme qui leur prête un surcroît de vie, de jeunesse et de vérité. L’auteur se met en frais pour son jeune auditoire : il donne à toute chose un relief et un parfum nouveaux ; il parle aux yeux aussi bien qu’à l’esprit, et je ne saurais dire ce que ses idées elles-mêmes y gagnent en évidence et en démonstration.

Veut-il donner à ses enfans, dès le début du livre, l’idée du sol gaulois avant l’invasion romaine, il en déroule un saisissant tableau : « Les mêmes montagnes s’y élevaient, dit-il, les mêmes plaines s’y étendaient, les mêmes fleuves y coulaient ; la structure physique du pays était à peu près la même ; mais quelle physionomie différente !… Au lieu de nos champs cultivés et couverts de moissons si diverses, d’inabordables marais, de vastes forêts livrées au hasard de la végétation primitive, peuplées de loups, d’ours, d’aurochs et d’élans, animaux qui ne se rencontrent plus que dans les froides régions du nord-est de l’Europe, comme la Lithuanie ou la Courlande, d’immenses troupeaux de porcs errans dans les campagnes, presque aussi féroces que des loups, dressés seulement à reconnaître le son du cor de leur gardien ; une température froide et âpre régnant sur cette terre ; les rivières gelant presque tous les hivers assez fort pour être traversées par les chariots, et sur ce vaste territoire, entre l’Océan, les Pyrénées, les Alpes et le Rhin, à peine six ou sept millions d’hommes vivant grossièrement, renfermés dans des maisons sombres et basses, couvertes en branchages et en chaume, formées d’une seule pièce ronde, ouverte au jour par la porte seulement, et confusément agglomérées derrière un rempart construit en poutres, en terre et en pierres, qui entourait et protégeait ce qu’on appelait une ville. »

Nous ne citons ce passage que pour indiquer le ton, la note, le diapason que l’auteur s’est choisi et le soin qu’il a pris, pour se faire mieux comprendre, de figurer ce qu’il raconte. Le livre est ainsi conçu tout entier, sans abus de couleur, sans recherche pittoresque, mais toujours avec une mise en scène habilement calculée. Qu’il nous montre la Gaule avant l’invasion romaine, déjà remuante, agitée, émigrant en tout sens sur tous les points du globe ; qu’il nous la montre ensuite conquise par César, transformée en province, presque en légion romaine, puis subjuguée une seconde fois par des armes plus douces, par la foi, par le christianisme, et enfin envahie, soumise, gouvernée par Clovis et ses