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grand-père ait inspiré l’historien ; que sous ses yeux, à son foyer, dans la paix et le silence de la vie campagnarde, les nombreux enfans de ses filles aient peu à peu formé comme un intime pensionnat, prompt à comprendre, avide de savoir, et qu’entre autres études il ait fallu bientôt initier cette jeunesse à l’histoire de son pays. On essaya d’abord des méthodes connues, de livres dont l’insuffisance et la banale imperfection ne pouvaient guère, dans cette maison surtout, tarder de se trahir ; de là bien des questions de la part des enfans, puis des réponses du grand-père, des rectifications et des explications, des commentaires et des récits, en un mot des leçons, de vraies leçons, un enseignement régulier, quotidien, et comme les mères de ces enfans, témoins des entretiens, en prenaient des notes fidèles, le souvenir s’en est gardé, et ces leçons improvisées, ces indications fugitives, sont devenues la substance de l’œuvre inestimable, du très utile et remarquable livre qu’en ce moment publie M. Guizot.

Est-ce à dire que cette histoire de France, si limpide, si simple, si accessible à tous, soit encore assez abrégée, assez élémentaire pour devenir le texte d’un enseignement usuel et général ? Les enfans qui l’ont inspirée ne ressemblent pas à beaucoup d’autres. C’est une sorte de serre chaude où s’épanouissent les primeurs que le contact assidu, le constant voisinage de l’historien du Val-Richer. Peut-être un jour viendra où la moyenne de nos écoles, s’élevant par degrés, permettra qu’un tel livre soit mis aux mains des écoliers ; pour le moment, nous nous contenterions que les pères et non pas les enfans fussent en état de le comprendre, d’en apprécier la profonde justesse et la haute impartialité. C’est aux mains des pères de famille, de tous ceux qui ont quelque loisir, qui savent et peuvent lire, qu’il nous tarde de voir cette nouvelle histoire de France. L’enfance aura son tour. Nous prévoyons tel extrait, tel abrégé de l’œuvre où, sous des formes plus restreintes encore, toutes les grandes pensées, l’esprit, le dessin, la méthode de l’auteur, seraient fidèlement conservés, et qui dans nos écoles deviendrait un sujet d’études, un epitome national. Quant au livre tel qu’il est, tel qu’il sera surtout quand il aura reçu son complément, quand le second volume sera publié, je le tiens pour un puissant secours dans la douloureuse entreprise que nos malheurs nous imposent, la reconstitution, la rénovation de la France. C’est une sorte de machine à dissoudre les préjugés, à dissiper les haines et les antipathies, un instrument de réconciliation, d’ordre, de paix et de mœurs politiques.

Pour qu’on ne voie pas dans ces paroles une hyperbole imaginaire, je voudrais indiquer tout ce qu’il y a d’original et d’efficace dans les parties de l’œuvre déjà sous les yeux du public. Ceux que le titre éloignerait, qui croiraient déroger en soulevant la couverture d’un livre écrit pour des enfans, je les invite à passer outre, à commencer de lire, et