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et qu’elle nous a donné ce privilège étrange de toujours travailler au progrès de ce monde par nos désastres comme par nos succès.

Voilà ce que tout Français devrait savoir par cœur. On demande aujourd’hui l’enseignement pour tous : on le demande à bon droit, chacun à sa façon, l’église la première ; elle entend, elle aussi, que ce bienfait devienne universel ; elle le souhaite d’aussi bon cœur, aussi sincèrement que la libre pensée : là n’est pas la question, cette cause est gagnée : ce qu’il faudrait maintenant, ce serait que nos enfans, quand tous ils sauront lire, pussent apprendre en lisant à se faire hommes et citoyens ; qu’après le divin petit livre qui leur enseigne si bien et en si peu de mots leurs devoirs dans cette vie, leur destinée dans l’autre, on mît entre leurs mains quelque autre petit livre qui, lui aussi, brièvement, clairement et simplement, leur dirait ce qu’est ce coin du globe, cette terre qu’ils habitent ; par quelles épreuves, par quelles transformations elle est devenue la France ; quels flots de sang l’ont arrosée ; pourquoi et à quel titre nous devons l’aimer et la servir ; comment nos pères, de siècle en siècle, par de rudes sentiers et non sans faire souvent plus d’un pas en arrière, mais s’acheminant toujours vers le droit et vers la liberté, vers l’affranchissement des conditions et des personnes, ont enfin constitué cette grande famille et fondé ce vaste foyer où tous nous pouvons nous asseoir avec un droit égal, un intérêt commun, et un même avenir comme un même passé.

Si cet enseignement, nous le possédions tous, si nous l’avions reçu dès l’enfance, s’il s’était peu à peu logé dans nos esprits, croit-on que l’Internationale aurait aussi beau jeu et ferait aisément des dupes parmi nous ? Ce qui ouvre un libre champ à cette lèpre cosmopolite, c’est que l’amour de la patrie, seul obstacle infaillible, seul cordon sanitaire qui la puisse arrêter, est à peine enseigné chez nous, et Dieu sait en quels termes et de quelle façon ! Ce petit livre, ce guide, cet initiateur, ce second catéchisme qui inculquerait à nos enfans la véritable histoire de France, où le trouver ? à qui le demander ? Songez qu’il devrait être aussi clair que concis, exclure tout ce fatras de noms de lieux et d’hommes qui fatigue et rebute la mémoire des enfans, n’insister que sur les grands traits, mais les signaler tous, les bien choisir par conséquent, marcher de sommets en sommets et ne mettre en lumière que la physionomie dominante de chaque série d’événemens. Ce n’est pas là un labeur vulgaire. En abrégeant, en condensant, on aboutit bien vite à la sécheresse et à l’ennui, sans préjudice d’un autre écueil, plus dangereux encore, les complaisances, les partis-pris, soit en faveur d’un homme, soit au nom d’une idée, c’est-à-dire la partialité, la falsification, le mensonge historique. Sans même aller dans cette voie jusqu’à certains modèles restés justement célèbres, jusqu’au père Lorriquet par exemple, sans faire de Bonaparte le commandant par intérim des armées du roi Louis XVIII,