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combinaisons qui pouvaient plaire aux foules, multiplier les fêtes locales et répandre au milieu de populations bien disposées les habiles paroles accompagnées de croix d’honneur, de médailles et de primes. On ne saurait vraiment l’en blâmer, quand on voit que tous les gouvernemens agissent à peu près de même. S’il est permis cependant de critiquer la pompe et l’ostentation de ces cérémonies rurales, on commettrait une grave injustice en contestant l’influence très heureuse que celles-ci ont exercée sur l’agriculture. Les concours régionaux ont fait connaître dans chaque partie de la France les inventions utiles, les nouveaux instrumens, les procédés les plus perfectionnés. Les comptes-rendus des comices, les procès-verbaux des chambres ou sociétés d’agriculture révèlent d’immenses progrès dus à la collaboration d’hommes instruits et modestes, qui travaillent, cultivent, produisent, savent bien parler, bien écrire et bien penser, au fond de nos départemens, loin des académies, des écoles et des ministères. C’est ainsi que, par une action constante dont il convient de partager le mérite entre le gouvernement et les associations locales, l’agriculture a réellement prospéré en France, et qu’après avoir apprécié les améliorations dont elle était redevable à un commencement de science, elle en est venue à désirer elle-même la création d’un établissement scientifique qui fût consacré à son enseignement. Ce vœu fut exprimé lors de l’enquête agricole qui eut lieu dans les dernières années de l’empire ; on sollicita la résurrection de l’institut de Versailles. L’École centrale des arts et manufactures s’est fort heureusement trouvée là pour réaliser sans plus de retard une mesure que rendait très difficile la situation de nos budgets.

Dès 1829, les fondateurs de l’École centrale avaient examiné s’ils comprendraient l’agriculture parmi les sciences industrielles dont ils se proposaient d’enseigner la théorie. La combinaison fut alors écartée. On craignit sans doute de trop étendre le programme des études, et il parut plus sage de s’en tenir aux sciences qui se rattachaient le plus directement au travail des grandes manufactures, de la construction et des mines. À cette époque d’ailleurs, si l’agriculture était populaire, la science agricole ne l’était pas ; bien que, depuis Olivier de Serres, de grands esprits se fussent adonnés à l’étude des champs, et qu’ils eussent produit des ouvrages où sont décrites avec précision les lois immuables de la nature, il subsistait dans les campagnes un vieux préjugé contre les livres. Les ignorans continuaient à peiner dans les anciens sillons ; les habiles n’imaginaient pas que l’on pût enseigner ni apprendre la culture ailleurs qu’à la ferme : les uns et les autres se défiaient des savans. Il eût donc été prématuré de créer un enseignement qui, selon toute