Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le contraire qui est arrivé. Cette force nouvelle, appliquée au travail, a rendu plus nécessaire que jamais le déploiement des facultés humaines. Aussi, depuis l’exposition universelle de 1851, la France, l’Angleterre, et, à leur exemple, toutes les nations de l’Europe, ont compris l’absolue nécessité d’élever le niveau de l’instruction, d’accroître la part de la science dans l’enseignement, et d’éclairer la pratique par la théorie, en multipliant sous diverses formes les écoles techniques ou professionnelles. Sous l’action de la concurrence, de grands progrès ont été obtenus en France comme ailleurs.

La France n’avait pas attendu ce moment ; elle peut même revendiquer une supériorité depuis longtemps acquise pour les hautes études industrielles, supériorité qui est due à l’École centrale des arts et manufactures, fondée à Paris il y a plus de quarante ans. Cette école s’est placée dès le premier jour au sommet de l’enseignement professionnel, et elle s’y est maintenue. Nous possédons ainsi le rouage le plus essentiel de cet enseignement spécial ; il reste à organiser plus largement ce que l’on pourrait appeler l’instruction secondaire et l’instruction primaire pour les travaux de l’industrie. Dès 1863, une commission instituée par le ministère du commerce a examiné cette question en procédant à une enquête. Les documens qu’elle a publiés serviront de point de départ aux études que l’on reprendra sans doute prochainement, lorsque le gouvernement et l’assemblée nationale réorganiseront l’instruction publique dans son ensemble. Pour le moment, il nous a semblé utile de retracer l’histoire de l’École centrale des arts et manufactures, qui vient d’ajouter à son programme l’enseignement de la science agricole, et qui peut être considérée désormais comme un établissement complet, national, consolidé par une expérience déjà longue et digne de prendre rang parmi les écoles les plus renommées.


I

Après l’effroyable crise de la terreur, la convention s’occupa des institutions d’enseignement. Cette assemblée qui, selon l’expression de M. Thiers, avait à la fois toutes les passions et toutes les grandes idées, voulut réaliser en cette matière le programme universel et unitaire que lui imposait la constitution nouvelle de la France. En même temps qu’elle décrétait l’instruction primaire, elle fondait l’École normale, les Écoles de droit et de médecine, le Conservatoire des arts et métiers et enfin l’École centrale des travaux publics. Cette dernière école, créée en 1794, prit l’année suivante le nom d’École polytechnique. Son enseignement, basé sur l’étude de la géométrie, de la mécanique, de la physique et de la chimie, était