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entre les puissances de l’Europe, car une rupture avec la France avait failli s’ensuivre ; mais peu importait à lord Palmerston. Son but était d’acquérir la faveur populaire ; il l’avait, et elle devait le soutenir au pouvoir presque sans interruption jusqu’à la fin de sa vie, qui n’arriva que quinze ans plus tard. L’aventure don Pacifico est de 1850.

Les procédés sommaires devinrent ainsi à la mode de puissance à puissance, de la part du fort contre le faible, alors qu’on pouvait sans péril être hautain et dur, pour la seule satisfaction de se faire humblement demander grâce. L’Angleterre eut le tort de s’y laisser entraîner plus d’un fois, particulièrement envers des états américains. Il y a eu entre autres l’incident Hopkins, qui est de 1853, et l’incident Canstatt, qui est de 1860, l’un et l’autre contre le Paraguay. En 1860, il y eut celui du capitaine Whiteau Pérou, et en 1862 celui des officiers du navire de guerre la Forte contre l’empire du Brésil, à peu près à la même époque celui du navire de commerce anglais le Prince of Wales. M. Calvo, qui relate les circonstances de ces différens cas, est d’avis que la conduite du cabinet britannique y fut répréhensible, marquée par des exigences injustifiables. L’Angleterre alors semblait avoir érigé en système de prendre une attitude très impérieuse envers les gouvernemens qui étaient hors d’état de lui opposer quelque résistance. Dans l’affaire du Prince of Wales, le cabinet anglais fit bloquer Rio-Janeiro et capturer des navires du commerce brésilien. Le ministre du Brésil à Londres, le baron de Penedo, montra une grande fermeté, afin que le cabinet britannique se décidât à observer envers les états souverains qui pouvaient avoir des différends avec l’Angleterre les égards dus à leur indépendance, et il dut demander ses passeports. Ces exemples donnés par le cabinet à la tête duquel était lord Palmerston ont vraisemblablement exercé une funeste influence. Il est permis de supposer que les agissemens bruyans de l’Angleterre envers la Grèce en 1850, qui eurent un grand retentissement, contribuèrent à tenter l’empereur Nicolas, à lui persuader qu’il pouvait tout aussi bien se permettre à l’égard du sultan la démarche injurieuse de l’ambassadeur Menzikof, d’où sortit la guerre de Crimée.

Le peuple des États-Unis, animé déjà contre les Anglais d’une antipathie que la conduite de l’Angleterre avec l’Union elle-même ne motivait aucunement, a pu, s’érigeant en protecteur du Nouveau-Monde, concevoir ou affecter des ressentimens pour les violences pratiquées par le cabinet anglais contre les différens états de l’Amérique du Sud. Peut-être y a-t-il là en partie l’explication de la hauteur que montre constamment le gouvernement américain