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l’objet de conventions internationales intéressantes, où l’empreinte du progrès est manifeste, figure celle de la navigation des grands fleuves, à regard desquels la tendance, fortement accusée et déjà sanctionnée par les traités, est d’adopter la règle de la liberté et de l’égalité pour tous les riverains et même pour les tiers. C’est ce qui a eu lieu nouvellement pour l’Escaut, le Rhin, le Danube, le Mississipi, le Saint-Laurent, le Rio de la Plata et le cours d’eau le plus grand du monde, le Maragnon ou fleuve des Amazones. De même, grâce à l’initiative des États-Unis, les droits exorbitans perçus par le Danemark sur l’usage des détroits qui ouvrent la Baltique ont été abolis moyennant indemnité.

L’extradition des criminels est encore une question à l’égard de laquelle on a, dans le cours des cinquante dernières années, adopté des solutions meilleures, quoique la politique l’ait beaucoup compliquée et hérissée de difficultés. Le sujet est fort délicat. Il reste à cet égard quelque chose à faire. On doit reconnaître cependant que l’Angleterre, celle de toutes les puissances qui résistait le plus, a sagement modifié depuis quelques années sa jurisprudence et sa législation. Elle s’est lassée de protéger visiblement les criminels et les assassins se parant du titre d’hommes politiques.

En somme donc, parmi les événemens et les incidens survenus dans les relations internationales depuis un demi-siècle environ, il en est beaucoup dont le monde civilisé a lieu de s’applaudir et qui attestent le progrès des lumières ; mais il en est d’autres en revanche, considérables et de la plus grande portée, qui ont le caractère opposé, et en ce qui concerne la sécurité même des états la tendance rétrograde et violente a pris le dessus. La France en fait la cruelle expérience.

Des sentimens déplorables et de misérables passions, la vanité, la présomption, la passion d’être au-dessus de tout, même des lois de la justice et de l’humanité, ont repris dans les rapports internationaux une place qu’ils avaient perdue précédemment, et qu’ils n’auraient jamais dû recouvrer. La guerre acharnée qui avait dévasté le monde de 1792 à 1815 avait été signalée par une multitude d’actes barbares et même d’atteintes à ce qu’on nomme le droit de la guerre. Elle avait d’ailleurs épuisé tous les peuples et écrasé les finances de tous les états. Elle fut donc naturellement suivie d’une généreuse et salutaire réaction peu après que la paix eut été signée. Les libéraux proclamaient que les peuples sont frères. Les conservateurs, dont les représentans les plus élevés étaient les gouvernemens, dépeignaient de très bonne foi la guerre comme un fléau qu’il fallait absolument extirper, au moins du sein de l’Europe. Le mot d’un grand homme qui eut le tort de n’y pas