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les questions les plus vitales, spécialement le droit de paix et de guerre, plus particulièrement encore le pouvoir du vainqueur sur le vaincu, nous vivons aujourd’hui en Europe non-seulement sans solutions acceptées, mais même dans la confusion la plus inquiétante, il est un certain nombre d’autres questions plus ou moins importantes, quelques-unes touchant à de très grands intérêts, qui ont été résolues à la satisfaction de la morale et dont les solutions sont entrées dans les codes des nations. C’est ainsi que la traite des noirs a été frappée de réprobation, que le code pénal a partout assimilé le négrier au pirate. L’esclavage même a été aboli par tous les états à peu près. Les colonies espagnoles sont le seul pays du monde occidental où cette dégradante institution soit encore en pleine vigueur. L’Union américaine s’en est défaite par une des guerres les plus sanglantes et les plus coûteuses qui aient jamais ravagé la terre. L’empereur du Brésil, qui a l’esprit ouvert à toute vérité, a surmonté les résistances qui tendaient à éterniser l’esclavage dans ses vastes états ; il a pris des mesures efficaces qui avec le temps le feront sûrement disparaître. L’abolition du servage en Russie, due au souverain actuellement régnant, est un des actes les plus faits pour illustrer un règne. Mais pendant que la servitude s’en va de la société moderne par une porte, que dirait-on si elle rentrait sous un déguisement par une porte différente ? Dans la pratique, le droit international aurait-il fait des acquisitions aussi grandes qu’on l’avait supposé, si une nation éclairée et chrétienne que la victoire aurait couronnée en profitait jusqu’à assujettir les vaincus à des tributs écrasans qui dépasseraient les possibilités d’une nation libre, et dont le fardeau devrait se transmettre de génération en génération ? En présence de la rançon de 5 milliards qui a été imposée à la France épuisée et désorganisée, cette observation me semble exempte d’exagération. Voilà en effet une nation jusque-là glorieuse qu’un ennemi vainqueur s’est cru le droit de réduire à l’état de tributaire.

L’accueil fait par la loi dans chaque état aux étrangers s’est fort amélioré. Quand éclata la guerre de 1870, on marchait de toutes parts vers l’assimilation civile des étrangers avec les nationaux. La vieille Angleterre abolissait le droit d’aubaine, héritage d’un temps où étranger était synonyme d’ennemi ; mais cette guerre même a révélé que tant de libéralité envers les étrangers, tant d’empressement à les recevoir et à leur permettre de s’établir chez soi sur le même pied que les nationaux, sans dérogation aucune aux droits et aux devoirs de leur nationalité propre, recelait un danger extrême. On a vu ce qui arrivait dans le cas où ces étrangers introduits en grand nombre dans le sein d’un état appartenaient à un peuple